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Les trois sceaux de l’enseignement du Bouddha


(Traité de la Grande Perfection de la Sagesse (Māhāprājñāpāramitāśāstra) de Nagarjuna)

« Le samādhi possède trois aspects : il est vacuité (S. śūnyatā ; C. kong 空 ), sans désir (S. apraṇihita ; C. wuyuan/wuzuo 無願/無作) et sans apparence (S. ānimitta ; C. wuxiang 無相). »

Cette phrase a un sens très profond. Le samadhi est un terme sanskrit qui désigne souvent un état auquel on accède grâce à la méditation (la concentration).


D’ailleurs, on parle des huit samadhis qui correspondent à huit différents niveaux de concentration et qui sont accessibles à toute personne pratiquant correctement la méditation, quel que soit l’enseignement qu’elle suit.

Par contre, dans cette phrase de Māhāprājñāpāramitāśāstra, le samadhi dont elle parle n’est pas un état auquel on accède grâce à la méditation. Il s’agit, en effet, de l’état du vrai moi qui est toujours présent. Le Bouddha se basa sur les trois aspects de cet état pour créer les trois sceaux du dharma qui sont appelés ainsi parce qu’ils permettent de vérifier si un enseignement est bouddhiste ou pas. Si nous affirmons quelque chose qui ne correspond pas au contenu d’un seul de ces sceaux, notre propos ne relève pas de la pensée bouddhiste.

Ces trois sceaux qui correspondent aux trois aspects de l’état de tathagatagarbha, à savoir la vacuité, l’absence d souhait, et l’absence d’apparence, se formulent de la manière suivante : « tous les phénomènes sont impermanents », « tous les dharmas nous enseignent que le vrai moi ne s’y trouve pas » et « le nirvāṇa est silence absolu ».

En parlant des dharmas, nous pouvons les classer en deux types : le dharma qui apparait et disparait, et le dharma qui n’apparait pas et ne disparait pas. Il est clair qu’il existe un nombre très large de dharmas qui apparaissent et disparaissent : la lumière, le son, le corps humain, etc. Naturellement, tous ces dharmas sont impermanents, ce qui correspond au premier sceau et peut être exprimé aussi par le terme « vacuité ». Cela signifie qu’il existe une conscience fondamentale dont la nature est vide (S. śūnyatā) et dont tous ces dharmas sont les manifestations. Nous pouvons donc designer cette conscience aussi par le terme « dharma qui n’apparait pas et ne disparait pas » ou « dharma inconditionné ».

Comme nous venons de le dire, toutes les manifestations de ce dharma inconditionné sont impermanentes. On n’y trouve donc pas un moi éternel, ce qui nous amène au deuxième sceau. Si maintenant nous prenons le deuxième aspect « absence de souhait », nous pouvons comprendre que si nous avons un souhait, un désir envers l’une de ces manifestations, nous nous trouvons en dehors de l’enseignement du Bouddha. Par exemple, la recherche du bonheur c’est-à-dire l’attachement à la notion de bonheur, l’attachement au désir sexuel ou en général, aux plaisirs épicuriens, l’attachement à la richesse ou l’attachement à une idée, sont tous des attachements qui indiquent la présence d’un désir. Par conséquent, si un maitre nous pousse à créer un attachement comme ceux que nous venons de citer, il est clair que son enseignement ne correspond en rien à l’enseignement du Bouddha.

Les pratiquants du hinayana ajoutent parfois un sceau supplémentaire pour souligner que toutes les manifestations causent de la souffrance. En réalité, le moindre attachement à une manifestation crée de la souffrance. Par ailleurs, tous ces dharmas impermanents peuvent être augmentés, enrichis de façon infinie et diminués, réduits jusqu’à leur entière disparition. Par contre, et ici nous arrivons au troisième sceau, il existe un autre dharma inconditionné que nous avons déjà mentionné plus haut : un dharma qui est éternel et qui ne peut être augmenté, ni diminué. C’est précisément le dharma du nirvana qui est silence absolu et n’a pas d’apparence.

Ces trois sceaux du dharma expliqués pas le Bouddha, s’appliquent, en réalité, très bien à la vie des êtres sensibles. En effet, chaque être sensible est constitué d’une partie qui nait et qui meurt et d’une partie qui n’a pas de naissance et n’a pas de mort. La partie qui ne nait pas et ne meurt pas est la huitième conscience, tathagatagarbha. La partie qui nait et qui meurt avec chaque réincarnation de l’être sensible contient les sept autres consciences et les cinq agrégats[1].


[1] Les sept consciences font partie des cinq agrégats.