(Avadanasataka)
Jadis en Inde il y avait un très pauvre tailleur. Un jour il se dit :
« Si aujourd’hui je suis aussi pauvre, c’est sans doute parce que je n’ai pas pratiqué la générosité par le passé. Il faut absolument que je sois généreux dorénavant pour avoir des bénéfices plus tard. »
Ainsi commença-t-il à offrir aux autres le peu dont il disposait. Un jour il alla voir quelqu’un qui lui donna du fil. Sur le chemin de retour notre tailleur rencontra le Bouddha Shakyamuni et, en voyant que son vêtement était légèrement déchiré, il se mit devant lui et lui parla :
« Ce que j’ai ici n’est rien, mais j’aimerais quand même l’offrir au Bouddha. Que cela soit la preuve que j’ai le grand désir d’aider tous les êtres sensibles et de devenir un bouddha un jour. »
Ayant dit ces paroles, notre tailleur offrit le fil au Bouddha.
Le Bouddha sourit et, en acceptant ce don, lui dit :
« Grace à ton grand vœu un jour tu deviendras un bouddha et tu aideras d’innombrables êtres sensibles. Tu viens d’acquérir de grands mérites par la générosité dont tu as fait montre. »
Notre pauvre homme, en entendant cela, se mit à genoux devant le Bouddha et lui dit :
« S’il y a le moindre bénéfice dans ce que j’ai fait, j’aimerais le retourner à tous les êtres sensibles. Si quelqu’un ne connait pas le chemin à prendre, j’aimerais le guider. J’aimerais que les gens qui n’ont pas de refuge en trouvent un. Que les gens qui n’ont pas de protection en reçoivent. Que les gens qui ne sont pas libérés, se libèrent. Que les gens qui ne sont pas tranquilles, trouvent la tranquillité. Que les gens qui n’ont pas rencontré le vrai moi, atteignent le nirvana [l’état du vrai moi] très vite. »
En entendant ces paroles, le Bouddha sourit de nouveau et cinq lumières sortirent de son corps, tournèrent autour de lui trois fois et rentrèrent dans sa tête.
Alors son frère Ananda lui demanda :
« Maitre, pourquoi es-tu si content ? »
Et le Bouddha de répondre :
« Je félicite ce pauvre homme. Son grand vœu est extrêmement fort, il deviendra un bouddha un jour et aidera infiniment d’êtres sensibles. Voilà pourquoi je suis si content. »
Cette histoire est courte mais son sens est très profond. Il y a beaucoup de gens qui, étant pauvres, se plaignent que le monde n’est pas juste et rejettent la faute sur les autres. Ils ne se remettent jamais en question et, pour eux, s’ils n’ont pas suffisamment d’argent, c’est la faute à la société, mais jamais la leur. Ainsi accumulent-ils beaucoup de colère. Un vrai pratiquant n’accuse pas les autres mais cherche plutôt comment améliorer la situation et résoudre les problèmes sans se laisser influencer par les circonstances. Nous pouvons être sûrs qu’il existe toujours une solution pour avancer sur le chemin de la générosité.
D’ailleurs, face à un problème il peut nous arriver de nous remettre en cause. Alors nous pouvons même nous demander si nous avons fait quelque chose de mal et si nous devons nous sentir coupables. Mais ceci représente aussi un attachement au faux moi, même si cet attachement est plus subtil que celui qui nous pousse à accuser les autres. En vérité, même dans ce cas-là, nous nous focalisons trop sur nous-mêmes, tandis qu’il s’agit de chercher une solution pour avancer. Si nous revenons à notre pauvre tailleur, en faisant son grand vœu devant le Bouddha, il montra qu’il pensait aux autres et qu’il ne s’attachait pas à sa propre richesse. C’est la raison pour laquelle le Bouddha était content et prédit que le tailleur deviendrait un bouddha plus tard, parce que le point le plus essentiel est de ne pas penser à soi, mais aux autres. C’est la seule façon d’avancer.