Le sutra des saints et des ignorants – (Damamukanidanasutra) Chapitre 4
Ainsi ai-je entendu. Le Bouddha s’était rendu dans le royaume de Savatthi, au monastère de Jetavana. Là-bas vivait un vieillard dont le fils était un garçon magnifique.
A peine était-il venu au monde qu’il maîtrisait déjà le langage. Il avait d’ailleurs profité de cette capacité pour demander à ses parents si le Bouddha Shakyamuni était présent non loin de chez eux.
« Sariputra et Ananda sont-ils également présents parmi nous ? ajouta-t-il encore.
– Oui, ils sont tous là », lui répondirent ses parents.
Ces derniers trouvèrent fort étrange que leur fil parlât ainsi, et voulurent consulter le Bouddha.
« Cet enfant a accumulé de nombreux mérites par le passé, leur confia-t-il. N’ayez donc aucune crainte à son sujet. »
Les parents retournèrent ainsi chez eux, le cœur empli de joie.
« J’aimerais inviter le Bouddha et la communauté des moines à venir manger chez nous, proposa l’enfant une fois rentré.
– Volontiers, mais nous ne pouvons les recevoir immédiatement, observèrent ses parents : il nous faut déjà acheter un certain nombre de choses.
– Ne vous embarrassez pas : il suffit de nettoyer la maison, de dresser la table et d’y disposer autour trois chaises hautes. Je m’occuperai quant à moi de la nourriture. Par ailleurs, celle qui fut ma mère dans ma vie passée est toujours en vie et habite dans le royaume de Varanasi. J’apprécierai que vous l’invitiez aussi à ce repas. »
Les parents du nouveau-né envoyèrent donc un messager afin de faire venir son ancienne mère.
Lorsqu’arriva le jour du repas, le Bouddha s’assit sur une chaise haute. L’enfant réserva les deux autres chaises à celle qui, dans sa vie passée, lui avait donné le jour, et à ses parents actuels. Les moines eux-mêmes furent bien installés, et il y eut assez de nourriture pour tout le monde. Les membres de la famille de l’enfant purent recevoir l’enseignement du Bouddha et atteindre le premier fruit de Sravaka : strotapanna.
Après que l’enfant eut grandi, il devint moine et atteignit peu après le quatrième fruit de Sravaka: arhat. Ananda demanda plus tard au Bouddha, devant la communauté des moines, ce que ce moine avait pu faire par le passé pour être né dans une famille riche, avoir acquis le langage si tôt, être devenu moine et avoir développé autant de pouvoirs surnaturels.
« Dans sa vie passée, il naquit dans le royaume de Varanasi, expliqua le Bouddha. Il était fils d’un homme riche, mais à la suite du décès de son père, sa famille perdit beaucoup d’argent. Au moment où le Bouddha apparut dans le monde, personne dans cette famille n’avait rien à lui offrir. Le jeune garçon en éprouva un si vif regret qu’il voulut se faire engager dans une famille aisée en qualité d’ouvrier. Après un an de labeur, il réclama son dû, qui était d’un montant très élevé.
« As-tu donc l’intention de te marier ? lui demanda son employeur.
– Non, fit le jeune homme.
– Mais alors, à quoi pourrait te servir tout cet argent ?
– J’aimerais offrir cette fortune au Bouddha et à la communauté des moines, et les inviter à manger. »
Le patron en fut très ému et décida de payer la moitié du repas. Le jeune homme décéda plus tard, et revint sur la terre dans une nouvelle famille riche afin d’offrir un nouveau repas au Bouddha et de devenir un grand arhat. Le Bouddha ajouta enfin que ce garçon était celui qu’Ananda avait rencontré. La communauté des moines fut fort satisfaite de l’histoire que le Bouddha leur avait contée, et se résolut à poursuivre leur pratique.