(Jataka)
Il était une fois un homme âgé qui avait une jument. Mais, quand il l’acquit pour la première fois, elle était très obstinée et incontrôlable. Si l’homme essayait de la monter, elle se dressait sur ses pattes arrières, défiante. Et si l’homme arrivait à se maintenir sur la selle, la jument courait à tout-va, et préférait se précipiter vers le fossé, les arbres ou les murs plutôt que de rester sur le chemin.
L’homme, troublé par le comportement de sa jument, la fouettait sans merci et la laissait sans nourriture et sans eau. La jument souffrait de soif et de faim et était très stressée. Elle savait bien que tout cela était dû à son propre comportement, mais elle n’arrivait pas à changer.
Un jour, une voix descendit du ciel pour murmurer à l’oreille de la jument: « Obéis à ton maître et tu seras libérée de la faim et de la souffrance ! » En entendant cela, la jument trouva instantanément la paix en elle-même et sut ce qu’elle devait faire. Le lendemain, elle obéit à son maître et le laissa lui mettre une selle et une bride. Elle suivit ensuite volontiers ses commandes et marcha dans la direction requise. L’homme fut alors très satisfait de sa jument. Il s’assura que cette dernière était bien nourrie et abreuvée et lui laissa le temps de se reposer. À partir de ce moment, le maître pouvait monter sur la jument et aller où bon lui semblait, et la jument devenait de plus en plus calme et équilibrée.
Cette jument donna ensuite naissance à deux poulains. Quand ils furent assez grands pour être chevauchés, l’homme âgé tenta de les monter à leur tour. Cependant, ils ne voulurent pas obéir et défièrent leur maitre. Ce dernier les fouetta, mais cela n’y changea rien. Ainsi, les deux chevaux s’infligèrent eux-mêmes une longue souffrance et se retrouvèrent à manger de l’herbe pourrie et à boire de l’eau sale.
Quand ils ne purent plus supporter la faim et la soif, ils s’agenouillèrent devant leur mère et lui dirent: « Nous n’éprouvons que du ressentiment et du désespoir et nous n’avons pas de nourriture et d’eau. En plus, les coups de fouet que nous recevons nous sont pénibles. Pourtant, maman, vous êtes comme un grand oiseau insouciant vivant au paradis, pleine d’énergie, heureuse, bien nourrie et bien entretenue. Vous semblez indifférente au traitement cruel dont vos enfants sont victimes ! »
La jument leur répondit: « C’est de votre propre faute, mes enfants, vous n’avez donc aucune raison de vous plaindre. Lâchez simplement votre ressentiment, acceptez l’autorité de votre maître et laissez-le vous chevaucher! Il vous chérira quand vous suivrez ses commandes. C’est une chose si simple à faire, mais puisque vous avez choisi de faire le contraire, vous vous infligez vous-même de telles souffrances! »
Après avoir entendu les enseignements de leur mère, les chevaux se laissèrent apprivoiser dès le lendemain. L’homme en fut très content parce qu’ils suivaient ses commandements et allaient dans la direction qu’il leur indiquait. Ainsi, les chevaux furent bien nourris et reçurent le même traitement que leur mère.
Dans cette histoire la personne âgée est une métaphore de la loi du karma, les chevaux sont une métaphore des pratiquants et la voix venue du ciel pour aider la jument est la voix du Bouddha. Par exemple, quand les gens commencent à étudier le bouddhisme, ils se laissent souvent influencer par leurs désirs et n’arrivent même pas à pratiquer sur le chemin qui leur permettra de devenir des dieux célestes, sans parler du respect des règles du chemin de libération et du chemin de bodhisattva. Ces règles permettent de changer certaines habitudes pour s’approcher du chemin de libération, qui est un chemin pur. Voilà pourquoi le Bouddha expliqua les quatre nobles vérités qui permettent aux pratiquants de comprendre la vie et la mort. Voilà pourquoi il exposa les méthodes pour sortir de la souffrance, acquérir les mérites de la sagesse de la libération et entrer ensuite progressivement dans le chemin juste.
Dire que la personne âgée fouettait les chevaux pour les apprivoiser est une métaphore pour montrer que si nous faisons des bêtises, les conséquences seront terribles. C’est pour cette raison que le Bouddha a proposé les cinq préceptes et les dix actions justes. Ces préceptes et actions permettent de renaitre en tant qu’humain et même de devenir un dieu céleste. Par contre, si les gens violent les cinq préceptes ou commettent l’une au moins des dix actions graves, ils vont très certainement se retrouver dans les trois chemins inférieurs : l’enfer, les esprits affamés et les animaux. Dans ces trois chemins la souffrance est énorme. Par exemple, en enfer la naissance et la mort se suivent de très près : à peine meurt-on que déjà l’on renaît ; à peine renait-on que déjà l’on se fait tuer. A aucun moment on n’est tranquille. Si on se débarrasse de nos désirs, qu’on évite les grandes erreurs qui génèrent du mauvais karma, qu’on maintienne les cinq préceptes et qu’on pratique les dix bonnes actions, alors on peut éviter les trois chemins inférieurs. Si on enseigne tout cela aux autres, on développera leur compassion, et si on leur enseigne les six paramitas, ils pourront obtenir plus tard la sagesse de l’illumination, observer la capacité surnaturelle de tathagatagarbha et la prendre comme point de référence de leur pratique.
Dans l’histoire, la métaphore des petits chevaux qui étaient accroupis devant leur mère et lui demandaient comment elle pouvait être tranquille et ne pas ressentir de la souffrance, montre que les pratiquants doivent étudier avec un vrai maitre. Il faut qu’ils suivent ses conseils pour exercer leur pratique. Dit de façon plus simple, il faut avoir foi dans l’enseignement et calmer notre esprit. Dit de façon plus approfondie, il faut réaliser le chemin du Bouddha et acquérir les mérites de la sagesse de la libération. Le vrai maitre peut enseigner selon le niveau de l’élève et il peut le guider de façon progressive.
Maintenir les cinq préceptes et pratiquer les dix bonnes actions peut assurer notre naissance dans un paradis céleste et augmenter notre confiance dans les trois trésors. Dans l’enseignement bouddhiste, si les gens ne prennent pas les trois refuges et ne veulent pas s’approcher d’un vrai maitre, ils sont comme un cheval sauvage qui n’aura pas l’opportunité de se faire apprivoiser. Au contraire, grâce à un vrai maitre la personne pourra comprendre la loi du karma et les bases nécessaires du bouddhisme. De là elle pourra avoir ainsi confiance dans la parole du Bouddha, puis s’approcher de l’enseignement qui permet de sortir des trois mondes, et même d’acquérir la sagesse du Bouddha et les mérites de la libération.