(Agama sutra)
Il y a environ 2600 ans existaient deux royaumes très célèbres en Inde, dont l’un s’appelait Kosala et l’autre Magadha. La famille royale de Kosala s’appelait Shakya, et c’était également la famille dont descendait le Bouddha Shakyamuni.
Les membres de cette famille étaient connus pour leur beauté physique et par conséquent, le roi de Magadha, qui s’appelait Pasenadi, voulut prendre une princesse de la famille Shakya pour en faire sa reine. Mais la famille Shakya n’avait aucune envie de lui envoyer l’une de ses filles, et ils lui donnèrent à la place une jolie esclave, prétendant que c’était une princesse. D’ailleurs, l’un des membres de la famille Shakya, Mahānāma, mentit en soutenant que cette esclave était sa propre fille.
Le roi Pasenadi en fut très content et l’épousa. Plus tard elle devint sa reine[1]. Ils eurent ensemble un enfant répondant au nom de Virudhaka. Pendant son enfance, ce dernier se rendait régulièrement avec sa mère chez son grand-père présumé. Un jour, il découvrit que la famille Shakya lui avait octroyé le surnom de « fils d’esclave ». En apprenant cela, le prince Virudhaka ressentit une puissante haine envers cette famille et se promit qu’après être devenu roi, il causerait leur perte.
A la mort de son père Pasenadi, Virudhaka devint effectivement roi et leva une armée pour attaquer le royaume de Kosala. Mais pendant qu’il avançait sur le chemin avec tous ses soldats, il rencontra le Bouddha Shakyamuni. En le voyant, le roi Virudhaka perdit ses intentions belliqueuses et rentra chez lui. Le lendemain il repartit de nouveau en guerre mais, rencontrant de nouveau le Bouddha Shakyamuni, il rebroussa chemin. Il se dit alors que si le jour suivant le Bouddha se trouvait encore sur son chemin, il allait renoncer à attaquer le royaume voisin. Mais le troisième jour il ne rencontra personne et son armée déferla sur le royaume de Kosala. Tous les soldats du royaume de Kosala, étant devenus pratiquants bouddhistes et ayant intégré le précepte de ne pas tuer, n’opposèrent pas de véritable résistance, si bien que le roi Virudhaka put massacrer toute la famille Shakya.
Pendant ce temps, celui qui avait prétendu être son grand-père, Mahānāma, alla à son encontre en lui disant :
« Je vous propose de m’immerger dans la rivière. Aussi longtemps que je ne referai pas surface, vous ne tuerez personne qui appartienne au peuple de notre royaume, et vous le laissez fuir. »
Le roi accepta sa proposition.
Mahānāma se jeta alors dans l’eau et il s’écoula un long moment sans que personne ne le vit ressortir. Le roi et ses soldats furent surpris et, finalement, le roi envoya quelqu’un vérifier ce qui s’était passé. C’est alors qu’il comprit que Mahānāma avait attaché ses cheveux à la racine d’un arbre pour que son corps mort ne remonte pas à la surface de l’eau. En voyant ce sacrifice, le roi Virudhaka regretta d’avoir tué toute la famille de son grand père, cessa la guerre et retourna dans son royaume.
Par ailleurs, l’un des grands disciples du Bouddha Shakyamuni, Moggallana, qui voulait empêcher le massacre de la famille Shakya, utilisa ses pouvoirs surnaturels pour agrandir son bol, y cacha cinq mille personnes de cette famille et souleva ensuite son bol jusqu’au ciel. Mais quand il fit descendre son bol, il découvrit que toutes les cinq mille personnes étaient mortes et que ses efforts n’avaient rien pu changer à leur destin.
Un moine demanda alors au Bouddha Shakyamuni la raison de cette guerre et ce massacre.
Le Bouddha lui répondit :
« Cette haine était semée il y a très longtemps. Il y avait à cette époque un village qui se trouvait à côté d’un grand lac. Un jour ce lac s’assécha et les villageois organisèrent une grande fête pour manger tous les poissons qui y vivaient. Ces évènements mirent le roi des poissons, qui était un énorme animal, dans une grande colère. D’ailleurs, dans le village il y avait aussi un enfant végétarien qui n’avait pas pris part au festin, mais avait tapoté trois fois sur la tête du poisson-roi.
Les villageois qui avaient mangé tous ces poissons devinrent dans cette vie membres de la famille Shakya, et les poissons formèrent l’armée du roi Virudhaka. Quant à Virudhaka, il était le roi des poissons dans cette vie lointaine. Moi, je fus cet enfant végétarien et comme j’avais touché trois fois la tête du roi des poissons, je souffris de la tête pendant trois jours. »
Le Bouddha continua :
« La cause lointaine de ce massacre vient de ce que les villageois avaient mangé les poissons. Quant aux conditions nécessaires pour que cette graine donnât son fruit karmique, elles tenaient dans le fait que la famille Shakya avait menti au roi Pasenadi et avait méprisé son fils, le roi Virudhaka. »
Grace à cette histoire nous pouvons comprendre que, pour éviter de se faire tuer, il est mieux de ne pas semer de causes négatives, mais d’être végétarien et de ne pas tuer d’êtres sensibles. Nous comprenons également que si, par le passé, nous avons déjà semé une graine karmique liée à une faute grave – ce qui est très probable –, il est préférable aujourd’hui d’essayer d’en réduire les conséquences karmiques qui se manifestent lorsque les conditions nécessaires le permettent, en évitant le mensonge et le mépris envers les autres.
[1] A cette époque les rois avaient plusieurs épouses dont une seule était reine et pouvait devenir mère de l’héritier du trône.