Le coronavirus, actuellement, s’est propagé dans plus d’une centaine de pays et a provoqué des milliers de morts et de malades. Ce n’est plus une épidémie, c’est une pandémie. La maladie et le confinement sont source de tristesse et de dépression parce que les gens sont loin de leurs proches ou qu’ils en ont perdu.
Nos vies subissent d’importants bouleversements : nous devons rester chez nous, nos proches nous paraissent désormais éloignés, et ceux qui sont à l’étranger ne peuvent plus revenir. Tout ceci génère beaucoup d’angoisse : l’impermanence crée beaucoup de souffrance, expliquait le Bouddha. Quel est donc le point de vue bouddhiste sur le coronavirus ?
Une porte fermée n’empêche pas le bien et le mal de circuler, dit un dicton chinois. Le bien et le mal sont comme des ombres qui nous suivent. Selon la qualité de nos actions, nous en recevons du bien ou du mal. Rien donc dans la vie n’arrive qui n’ait eu sa propre cause. Pour le bouddhisme, les trois mondes (du désir, de la forme et du sans-forme) eux-mêmes sont le fruit, la création du vrai cœur, et tout ce qui existe vient de lui, d’alayavijnana. Quoi que nous fassions, tout est relié à notre vrai cœur, et lorsque sont réunies les conditions nécessaires, les fruits karmiques de nos actes antérieurs apparaissent.
Attardons-nous un instant sur la notion de kalpa. Un kalpa est la durée de vie d’une planète. Il existe donc des kalpas plus longs que d’autres, et le kalpa d’une planète peut varier selon qu’on en prend soin ou qu’on cherche à la détruire. Nous sommes capables, ensemble, de faire perdurer notre Terre plus longtemps si nous l’entretenons convenablement (c’est-à-dire d’augmenter son kalpa), un peu comme on permet à une maison de durer plus longtemps si l’on y effectue les travaux nécessaires pour cela.
Ceux donc qui pratiquent les dix préceptes fondamentaux (qui, rappelons-le consiste dans le fait de ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mentir, n’avoir pas de relations sexuelles illégitimes, ne rien consommer qui altère la lucidité de l’esprit ou la santé du corps, ne pas médire envers les moines, ne pas être orgueilleux, avide ou en colère, et ne pas diffamer contre les trois trésors) permettent au kalpa de notre planète de durer plus longtemps. Leurs actions en effet sont motivées par des instructions assez justes pour que rien de ce qu’ils fassent ne nuise ni aux êtres sensibles, ni à la planète elle-même. Ainsi donc par exemple le pratiquant ne prélèvera-t-il à la terre que ce qui est nécessaire à son existence, n’étant point assez avide de ses biens pour en vouloir davantage. Ainsi respectera-t-il tous les êtres sensibles, veillant à ce que les actions visant à satisfaire ses besoins n’aient pas pour conséquences de priver les autres hommes et les animaux des leurs…
Mais si, au contraire, nous cédons aux trois poisons (l’ignorance, la colère et l’avidité), la durée de vie de la terre, son kalpa sera écourté. Il est bien évident aujourd’hui que toutes les violences que les hommes causent à la planète au nom de l’avidité et de l’ignorance, que celles qu’ils infligent à eux-mêmes au nom de la colère, ont pour effet d’épuiser la terre et ses habitants. Nous détruisons nos forêts, nous vidons nos océans, nous nous empoisonnons et nous détruisons nous-mêmes, à la fois parce que nous sommes ignorants, que nos sommes avides de toujours plus de richesses, de toujours plus de pouvoir, de toujours plus de ceci ou de cela, et en agissant ainsi, nous réduisons la durée de vie de notre planète.
Dans le Abhidharma-kośa-bhāṣya śāstra, il est dit que les virus et les maladies qu’ils répandent sont des choses auxquelles on peut difficilement échapper, car leur forme est invisible, insaisissable. Cependant, le Bouddha, au chapitre 9 du Aggañña Sutta, expliqua comment il fallait se comporter en cas d’épidémie. L’une des causes des épidémies et des pandémies est le meurtre d’êtres sensibles destinés à la consommation. Nous l’avons vu bien souvent par le passé, avec la crise de la vache folle, avec la grippe aviaire, avec la grippe H1N1. Les épidémies peuvent germer aussi de la colère, quand elle se propage (comme en cas de guerre, ou comme c’est le cas aujourd’hui avec le coronavirus) ou qu’elle entraine le meurtre massif et involontaire d’êtres sensibles Les épidémies et les pandémies sont des moments où les conséquences de nos erreurs et le moment d’en prendre conscience. C’est donc aussi le moment de les corriger ou de les confesser, afin que notre entourage et nous-mêmes soyons plus en paix, et que tous les hommes trouvent plus de paix. Celui qui, reconnaissant ainsi ses erreurs, agit de la sorte, se rendra certainement plus tard sur une terre céleste.
Au chapitre 6 de Karuṇāpuṇḍarīka sūtra, un bodhisattva spécialisé, pour ainsi dire, dans le domaine de la maladie, évoque, pour en guérir, six moyens et quatre méthodes. Au sujet des six moyens, les voici :
• Vivre en harmonie avec ceux qui partagent notre toit et propager cette harmonie autour de soi.
• Eviter toute dispute et toute querelle insignifiante.
• Propager des pensées pures autour de soi.
• Maintenir les préceptes des bodhisattvas et les propager autour de soi.
• Avoir de vraies connaissances et les propager autour de soi.
• Faire profiter à autrui des bénéfices de nos actions.
Les quatre méthodes sont la générosité (les dons matériels, l’enseignement le dharma, et le fait de veiller à ce que nul ne nous craigne ou ne craigne quoi que ce soit), la parole qui apaise les souffrances par les mots les plus empreints de bienveillance, la capacité de travailler en collaboration avec autrui, et celle de partager avec autrui les bénéfices de ses actions. De telles initiatives garantissent la paix du pays, l’harmonie du peuple et l’extinction des maladies, ou au moins leur guérison rapide. Si en effet, la générosité était l’une des choses les mieux répandues parmi les hommes, qui pourrait manquer de tout ce qui est nécessaire à un homme ou à un animal pour vivre convenablement ? Et si chacun mettait dans ses paroles assez de douceur et de bienveillance, pourrait-il y avoir encore une seule dispute ? Et si encore chaque pays travaillait avec les autres au lieu d’œuvrer à dominer les autres, pourrait-il y avoir la moindre guerre ? Les quatre méthodes énoncées dans ce sūtra ont certainement la propriété de garantir la paix d’un pays, l’harmonie entre les hommes, et dans cette harmonie, dans cet apaisement des conflits internes propres à chaque individu, les maladies elles-mêmes disparaitraient, ou perdraient au moins la violence et la résistance que l’on connaît à certaines d’entre elles.
Du point de vue de la sagesse de l’illumination, on voit que tout procède du vrai moi, et que les gens souffrent parce qu’ils ne le voient pas, que leur ignorance les aveugle. Cette obscurité où sont jetés les hommes génère les problèmes que l’on connaît : les maladies, fondamentalement, viennent de notre ignorance. C’est bien pourquoi les bodhisattvas cultivent la compassion, qu’ils aident les hommes et les enseigne à travers ces six moyens et ces quatre méthodes, afin ainsi de s’éloigner eux-mêmes des maladies. Or, si les bodhisattvas n’attendent pas que les hommes agissent pour utiliser ces six moyens et ces quatre méthodes, il n’est point de raison pour que chacun de nous n’en puisse faire autant.
Dans l’espoir que disparaisse rapidement ce coronavirus, que la société trouve tout aussi vite un réel équilibre ; dans l’espoir que chacun de vous puisse avoir une bonne santé et trouver l’harmonie au sein de sa famille ; dans l’espoir enfin que chacun apprenne à s’aider lui-même et à aider les autres, et qu’il puisse atteindre l’illumination,
Amitofo.