(Bodhisattva keyūra mūla karma sutra)
Un jour, alors que le Bouddha Shakyamuni parlait de l’enseignement de keyūra[1], il dit que le corps du dharma[2] contient des mérites innombrables. A ce moment-là, cinq mille pratiquants se levèrent, saluèrent le Bouddha en touchant le sol avec leur tête avant de tourner trois fois autour de lui et de partir.
L’un des grands disciples du Bouddha, Moggallana, pensa que cette démonstration était très bizarre. Par conséquent, il se leva et demanda au Bouddha :
« Pourquoi ces cinq mille personnes sont-elles parties ? »
Et le Bouddha de répondre :
« Moggallana, ces personnes ont déjà rencontré infiniment de bouddhas. Elles ont pratiqué les six paramitas – la générosité, la conduite juste, la tolérance, la persévérance, la concentration et la sagesse, et elles étaient très habiles. Par contre, dès qu’elles pensaient qu’elles avaient fait une erreur et qu’elles devaient la confesser, elles arrêtaient de pratiquer parce qu’elles n’avaient pas envie de le faire.
Ces gens auront encore infiniment de souffrances à l’avenir, et même mille bouddhas ne réussiront pas à les aider. La raison en est que, depuis infiniment d’asāṃkhya[3] kalpas, ils diffament l’enseignement bouddhiste. A leur tête se trouve le pratiquant dit « Sagesse Courageuse ». Ces gens empruntent le chemin du boddhisattva mais, en réalité, il leur est impossible de devenir des bouddhas. »
Le Bouddha continua :
« Moggallana, à l’époque du Bouddha « Lumière Claire », le pratiquant « Sagesse Courageuse » était le roi des lions. Quand il rugissait, tous les animaux avaient très peur de lui et se couchaient par terre et les oiseaux tombaient du ciel en plein vol. Un jour, il alla chasser en quête de nourriture. Il rencontra un éléphant, le tua et le mangea. Mais un os se coinça dans sa gorge, et il eut tellement mal qu’il perdit connaissance. En reprenant ses esprits, il vit devant lui un petit moineau qui cherchait des insectes pour se nourrir. Le lion ouvrit sa bouche et lui dit :
« Si tu peux m’enlever cet os de ma gorge, je partagerai ma future nourriture avec toi. »
Le moineau rentra dans sa bouche et après un grand effort réussit à enlever l’os.
A partir de ce jour, chaque fois que le roi lion tuait un animal, le moineau venait lui réclamer son dû, mais le lion l’ignorait. Enfin, le roi lion dit au moineau :
« Moi, je suis le roi des lions, je tue pour me nourrir et nourrir ma famille, et je mange de la viande et du sang. C’est ma nourriture habituelle. Toi, tu es complètement inconscient : tu es entré dans ma bouche et je t’ai laissé ressortir. N’oublie jamais que je t’ai fait une grande faveur en t’épargnant la vie. »
Le moineau lui répondit :
« Moi, je ne suis qu’un petit oiseau et je ne serais jamais entré dans ta bouche si tu ne me l’avais pas demandé. Tu as oublié de me remercier et tu n’as pas respecté ta propre parole. »
Le roi lion l’ignora de nouveau et s’en alla.
Le moineau dit alors :
« Je l’ai aidé, et maintenant il me méprise. Je vais me venger de lui parce qu’il n’a pas tenu sa parole ! »
Un jour, après une chasse fructueuse, le roi lion et sa famille mangèrent et s’endormirent. Alors l’oiseau vola au-dessus de la tête du roi lion et avec toute sa force piqua son œil. Le lion se réveilla, regarda autour de lui et, ne voyant que le moineau perché sur un arbre, lui demanda :
« Pourquoi as-tu blessé mon œil ? »
Et l’oiseau de lui répondre :
« Tu n’as pas su me remercier pour la grande faveur que je t’ai faite et en plus, tu as dit que tu aurais pu me manger. Tu peux bien être le roi des animaux, ton comportement n’est vraiment pas digne ! »
Le Bouddha dit alors à Moggallana :
« En fait, son comportement ne changea jamais beaucoup, et il continua à agir de la même manière, même en devenant humain. Ce roi lion aujourd’hui est le pratiquant « Sagesse Courageuse », et le moineau c’est toi, Moggallana. Tous ces gens ont diffamé le vrai enseignement du Bouddha, ils ne croient pas dans les trois corps du bouddha. Plus tard, ils souffriront longtemps en enfer. »
De cette histoire nous pouvons comprendre que si nous ne nous confessons pas pour éliminer nos mauvaises graines karmiques, elles donneront de mauvais fruits qui, à leur tour, engendreront de mauvaises graines. Ainsi, nous resterons enfermés dans le cycle de la réincarnation et la libération nous sera impossible.
[1] Ornement en or et pierres précieuses qu’on met sur le front de l’éléphant en Inde.
[2] Le vrai moi (tathagatagarbha).
[3] Nombre qui correspond environ à 10140.