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Le cerf aux neuf couleurs

(Jataka)

Un jour qu’un homme était tombé dans une rivière et était près de s’y noyer, un cerf magnifique dont la robe se parait de neuf couleurs, vint à son aide et sortit ainsi le malheureux du courant. Pour le remercier, l’homme entreprit de chercher chaque jour de quoi le nourrir.


L’animal cependant refusa mais, par la pensée, lui demanda de ne dire à personne qu’il l’avait vu, faute de quoi quelqu’un pourrait venir prendre sa peau ou ses bois.

Quelques jours passèrent avant que la reine de ce pays rêvât d’un cerf dont la peau lourde brillait de neuf couleurs et dont les bois étaient massifs et chatoyants. A son réveil, elle partagea à son époux son désir d’avoir la peau de cet animal afin de l’étendre sur son sofa, et ses bois pour orner un mur du palais. Le roi lança alors un appel dans tout le pays afin de trouver quelqu’un qui acceptât de chasser le cervidé, promettant à celui qui le lui ramènerait une partie de son royaume. L’homme que le cerf avait sauvé, séduit par l’offre du roi, tenta de se convaincre qu’il était de fort peu d’importance qu’il épargnât l’animal :

« Un animal, au fond, n’a aucune importance, à plus forte raison lorsque son sacrifice peut me valoir une portion du royaume ! Certes, il m’a aidé. Eh bien, il n’aurait pas dû, voilà tout ! »

L’homme se rendit ensuite auprès du roi et lui confia l’endroit où vivait le cerf. Le roi réquisitionna alors des chasseurs pour se rendre sur place et abattra le noble animal. Or, il se trouva qu’un corbeau, qui était proche du cerf, eut vent de cette histoire. Il s’empressa donc d’informer son ami du danger qu’il courait. Pourtant les chasseurs arrivèrent si vite sur les lieux que le cerf n’eut pas le temps de fuir. Lorsque les hommes lui firent face, il reconnut le visage de celui pour lequel il avait risqué sa propre vie : cet homme avait donc manqué à sa parole et était prêt à tuer son bienfaiteur. Il décida alors, par la pensée, d’apprendre tout ceci au roi, lequel en fut fort étonné :

« Voici un animal capable de communiquer par la pensée et qui est doué d’une si grande compassion qu’il est disposé à donner sa vie pour sauver celle d’un autre. A côté de cela, j’ai bien honte de constater la vilénie de cet homme qui, bien que ce cerf lui ait sauvé la vie, s’empresse de le tuer au nom de sa cupidité ! »

Le roi annonça alors divers décrets interdisant à quiconque de tuer le cerf, assurant qu’il n’accorderait jamais son pardon à celui qui oserait lui désobéir. Ainsi le cerf fut-il épargné.

Le cœur de pensée bouddhiste, en somme, est de ne pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fît. Le bouddhisme dit également que les vrais pratiquants sont ceux qui ont commis des erreurs. Seuls les êtres qui ont atteint un niveau au-delà du premier bhumi de Bouddhistava, sont capables d’avoir une mainmise absolue sur leur ego. L’erreur est donc toute naturelle, et n’est absolument pas grave, l’essentiel étant véritablement de savoir corriger celles qui arrivent. Par contre, il n’est évidemment pas un vrai pratiquant celui qui fait des erreurs volontairement au prétexte que rien n’est grave. Le but du bodhisattva est de cultiver de bons fruits karmiques avec tous les êtres, en d’autres termes, avoir de bonnes relations avec les autres, car il considère tous les hommes comme ses pères, et toutes les femmes comme ses mères. De fait, tout être que nous rencontrons a été, durant l’une de nos innombrables vies antérieures, notre père ou notre mère. Si nous considérons ainsi les êtres et que nous établissions avec eux les relations positives conséquentes, nous atteindrons plus rapidement l’état de bouddha.

Le cerf aux neuf couleurs était une vie passée du Bouddha Sakyamuni, cependant que le corbeau était une existence antérieure d’Ananda, le demi-frère du Bouddha. Cette histoire nous enseigne que nous devons respecter nos engagements, que nous ne devons pas trahir notre parole. Ceux qui ne tiennent pas leurs promesses deviennent des êtres très égoïstes et s’isolent de plus en plus, car les gens savent qu’ils ne sont pas dignes de confiance.