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Extrait du chapitre 3 du Samyukta agama sutra
Ainsi ai-je entendu. Le Bouddha était dans le royaume de Savatthi, au monastère de Jetavana, quand le roi Pasenadi vint le trouver.
« Vénérable maître, lui demanda-t-il, pourquoi ceux qui, dans la vie, bien qu’ayant réussi à acquérir le pouvoir et la renommée, ont su demeurer humbles et n’ont jamais cherché à nuire aux autres, sont-il d’une si grande rareté ? L’immense majorité des gens, après que le pouvoir et la réputation sont entrés dans leur vie, se gonflent d’arrogance et cherchent à nuire aux autres…
– C’est bien ainsi, en effet, que les choses se passent, répondit le Bouddha. Ceux qui désirent le pouvoir et la réputation cherchent, après qu’ils les ont obtenus, le plus souvent à causer du tort aux autres, et lorsqu’ils meurent, les conséquences karmiques sont à la mesure du mal qu’ils ont causé, puisqu’ils vont peupler les enfers. Le roi du monde du désir, ajouta-t-il ensuite, a une attitude démoniaque car il tente d’empêcher les êtres qui vivent dans ce monde d’en sortir. Il est pareil à un pêcheur fort expérimenté qui lance son filet dans la même direction que celle vers laquelle se déplacent les poissons, si bien que ces bêtes se précipitent d’elles-mêmes dans le piège qui leur est tendu. Ce filet, c’est la réputation, c’est le pouvoir, c’est l’attachement aux cinq sens. Après alors que les poissons ont été pris dans ce filet, ils n’en peuvent plus sortir. Si nous sommes attachés à notre réputation, au pouvoir, à nos sens, et que nous ignorions les conséquences que cela peut avoir sur nous, nous sommes semblables aux poissons qui se laissent prendre dans le filet. Nous demeurons alors enfermés dans le cycle des réincarnations et dans la souffrance. »
Après que le Bouddha eut terminé de parler, Pasenadi et les disciples qui l’écoutaient s’engagèrent à persévérer dans leur pratique.
Commentaire :
Voici une petite histoire qui s’est déroulée en Chine et qui permettra de mieux comprendre les propos du Bouddha. Le maître d’un grand monastère jouissait, à un âge fort avancé, d’une grande renommée. Il avait promis à quiconque serait capable d’escalader la falaise qui donnait accès à ce monastère (alors qu’un sentier y donnait également accès), qu’il serait son successeur. L’un de ses disciples fit donc une première tentative, mais, parvenu à mi-parcours, ne trouva aucun point d’appui et tomba. Un autre observa la falaise et, sans même essayer de la grimper, quitta le monastère à la recherche d’un autre maître susceptible de lui expliquer plus clairement l’enseignement. Lorsqu’il eut terminé d’étudier avec ce maître, il revint au monastère en empruntant un chemin plutôt qu’en passant par la falaise. Son ancien maître, en le voyant arriver, ne cacha pas sa satisfaction et décréta qu’il serait son successeur.
« Celui qui poursuit la réputation et veut diriger un grand monastère, expliqua le vieux maître, est comme le moine qui tente de grimper la falaise : parce qu’il désire avoir une bonne et durable réputation, il ne l’obtiendra pas et tombera. Inversement, celui qui ne cherche pas à avoir une bonne et durable réputation la gagnera, à l’image du moine qui, refusant de grimper la falaise, emprunte plutôt un chemin et devient le maître d’un grand monastère. »