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Un souvenir du Bouddha

(Jataka)

Un jour, après que le Bouddha et ses disciples, ayant passé déjà trois mois ensemble, eurent médité, certains moines décidèrent de s’en aller. Le Bouddha, avant de les laisser partir, leur demanda si la pratique à laquelle ils s’étaient exercés ces dernières semaines les avait fait progresser.

Le demi-frère du Bouddha, Ananda, répondit par une autre question :

« Vénérable maître, lui fit-il, pourrais-tu nous dire à partir de quand tu as commencé d’éprouver une grande compassion ?

– Il y a de cela un temps infiniment long, deux êtres occupaient l’enfer, répliqua le Bouddha après avoir souri à Ananda. Ces deux damnés, parmi d’autres, subissaient depuis longtemps la tyrannie de mauvais esprits qui les contraignaient à pousser des charrettes surchargées et qui les fouettaient si violemment que l’un d’entre eux, n’ayant plus la force finalement de soutenir cette violence, finit par s’évanouir. Cependant les mauvais esprits n’eurent aucune compassion à son endroit et ne changèrent donc rien à leur attitude. Mais l’autre, ayant vu que son compagnon d’infortune continuait de recevoir des coups de fouet alors même qu’il avait perdu connaissance, en éprouva une vive peine et proposa aux mauvais esprits :

« Laissez-moi remplacer mon compagnon : fouettez-moi tant que vous voudrez, pourvu que vous l’épargniez, lui.

– Eh bien, qu’il en soit ainsi », rétorqua brutalement l’esprit, et il frappa le malheureux d’autant plus fort qu’il en mourut.

Sa mort fut pour lui la fin de sa damnation : il se réincarna dans un paradis céleste parce qu’il avait pu former cette pensée de grande compassion et que cela avait lavé en lui le mauvais karma qui lui avait valu autrefois de se retrouver en enfer.

« C’est à ce moment-là, dit alors le Bouddha à Ananda, que naquit en moi la première graine de grande compassion, lorsque je voulus épargner à un être la souffrance dont il était accablé. J’appris ensuite qu’il y avait tout autour de moi d’innombrables êtres qui souffraient, en sorte que je formai de nouveau le vœu de vivre dans la plus grande compassion. Ainsi, je pratiquai la générosité de plus en plus, jusqu’à devenir un bouddha. »

Ananda et les autres disciples, ayant entendu ces paroles, s’engagèrent alors à leur tour à vivre dans une grande compassion et à aider les autres êtres.

Cette histoire nous enseigne que la générosité est le premier pas vers la libération, vers la sagesse du Bouddha, mais que cette générosité doit être guidée par la connaissance juste. C’est pourquoi il n’y aurait, par exemple, aucune générosité ni aucune compassion à rendre service à un criminel ou à procurer de la drogue à un consommateur qui en manque. C’est donc par une générosité éclairée que, peu à peu, nous pourrons nous rapprocher de l’état de bouddha, car nous serons traités par autrui de la même manière que nous aurons traité autrui.  C’est pour cette raison que le bouddhisme demande par ailleurs d’être végétarien, car nous serons plus tard mangés par l’animal que nous avions par le passé tué ou qu’on avait tué pour nous. Cette haine mutuelle qu’inspire le fait pour l’un de tuer l’autre pourrait aller même jusqu’à provoquer des guerres. C’est pourquoi les pratiquants bouddhistes authentiques sont invariablement végétariens.