Citation :
« Bon fils, tout comme la pensée d’une personne qui tue par avidité est remplie des douze causes et conditions, la pensée de générosité d’un bodhisattva est remplie des six perfections. C’est la cause et la condition des ornements des mérites vertueux et de la sagesse ». Sūtra sur les préceptes d’Upāsaka, Vol. 2
【善男子!如諸衆生貪心殺時,一念具足十二因緣;菩薩施時亦復如是, 一念具足如是六事; 是名功德智慧莊嚴。】《優婆塞戒經》卷2
Remarques :
Pourquoi une seule pensée de meurtre est-elle remplie des « douze causes et conditions » ? Nous savons tous que l’ignorance est la cause fondamentale de la transmigration des êtres sensibles dans les cycles de naissance et de mort. La cause et la condition de la réincarnation est donc l’ignorance.
Cependant, il existe deux types d’ignorance : « l’ignorance du principe sans commencement » (S. avidyā ; C. 無始無明) et « l’ignorance concernant l’origine de chaque pensée » (S. moha ; C. 一念無明).
- L’ignorance concernant l’origine de chaque pensée
Commençons par « l’ignorance concernant l’origine de chaque pensée ». Pourquoi s’appelle-t-elle ainsi ?
C’est très simple : une pensée d’attachement au faux moi[1] apparaît souvent en nous de manière tout à fait inattendue et nous prive d’entrer en nirvana.
Une telle pensée implique un attachement, et, en conséquence, elle fera apparaitre plus tard les douze liens qui sont dépendants les uns des autres, parce que si nous en avons un, cela veut dire que nous les avons tous[2]. La réincarnation en fait partie et, voila pourquoi nous pouvons affirmer que la cause directe de la transmigration des êtres sensibles dans les cycles de naissance et de mort est l’ignorance concernant l’origine de chaque pensée.
Normalement, lorsque les gens commencent à pratiquer le bouddhisme, ils ne pensent qu’à la façon de se libérer de la réincarnation, ce qui ne touche que l’aspect de la « vision de moi » et de « l’attachement à moi » et renvoie à l’ignorance concernant l’origine de chaque pensée. Ainsi, pour atteindre la libération le pratiquant doit rompre ce type d’ignorance. C’est l’objectif de l’école de hinayana, le petit véhicule, et ainsi, ses saints, les arhats, ceux qui ont acquis les quatre fruits de la pratique, sont capables de rentrer en nirvana sans reste une fois leur vie achevée et de ne plus naitre dans aucun des trois mondes. Par contre, ils n’ont toujours pas rompu l’autre type d’ignorance, l’ignorance du principe sans commencement.
- L’ignorance du principe sans commencement
Ce type d’ignorance se traduit par le fait qu’on ne connait pas la vraie réalité qui n’a pas de commencement et, par conséquent, qu’on n’est pas capable de s’en rendre compte. Il s’agit de l’origine absolue (S. Koṭi, C. benji,本際) de la naissance et de la mort cycliques, de l’origine absolue du nirvana sans fin, ou encore de la racine de tous les dharmas, c’est-à-dire de tous les phénomènes.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’ignorance du principe sans commencement n’empêche pas la libération des arhats : ils sont bien capables de sortir des trois mondes et d’entrer en nirvana sans reste. En contrepartie, ce type d’ignorance empêchera les pratiquants de réaliser le nirvana dans le mahayana. En d’autres termes, il empêchera les bodhisattvas d’atteindre le nirvana de nature pure et tranquille (C. 本來自性清淨涅槃) qui devient accessible grâce à l’illumination et le nirvana illimité de l’état de bouddha (C. 無住處涅槃).
Voila pourquoi le Bouddha a dit : « …la pensée de générosité d’un bodhisattva est remplie des six perfections. C’est la cause et la condition des ornements des mérites vertueux et de la sagesse. » De même, lorsque nous pratiquons la générosité, nos pensées individuelles sont remplies des six paramitas. Ainsi, les pratiquants du bouddhisme mahayana doivent connaître la différence fondamentale entre les deux types d’ignorance pour accumuler correctement les mérites et la sagesse nécessaires, ce qui facilitera leur avancement vers la bouddhéité.
[1] Les idées que je me fais du moi, ce que je crois pouvoir être, ce que je veux obtenir et ce que je veux éviter
[2] On les appelle également les douze nidānas : chacune des causes de la théorie des douze causes (appelée aussi, coproduction conditionnée). De l’ignorance naît l’agrégat du processus ; de l’agrégat du processus fait naître la conscience mentale ; de la conscience mentale naissent nom et forme ; du nom et de la forme naissent les six entrées ; des six entrées naît le contact ; du contact naît le ressenti ; du ressenti naît le désir ; du désir naît l’attachement ; de l’attachement naît la nécessité de l’existence réelle (la volonté d’obtenir réellement quelque chose) ; de la nécessité de l’existence réelle apparaît la naissance ; la naissance implique la vieillesse et la mort.