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Lorsque nous parlons de l’enseignement du Bouddha (dharma), nous évoquons les trois véhicules de bodhi enseignés par le Bouddha Shakyamuni : śrāvaka[1], pratiyeka[2] et bodhisattva[3]. Ces trois véhicules, si nous y regardons de plus près, pourraient être encore divisés en cinq véhicules : les véhicules des êtres humains, des êtres célestes, des śrāvaka, des pratiyeka et des bodhisattvas.
Les deux premiers – ceux des êtres humains et des êtres célestes – sont dits secondaires et nous assurent de pouvoir renaître en tant qu’êtres humains ou dieux célestes. Les enseignements sur ce sujet existent également dans d’autres religions que le bouddhisme. Les trois autres véhicules nous apprennent comment nous libérer du samsara, le cycle des réincarnations, et comment atteindre le nirvana. Ces trois véhicules ne sont pas mentionnés en dehors du bouddhisme. Le Bouddha utilise sa propre sagesse pour enseigner aux êtres sensibles la voie qui les conduira à la libération finale. Pour obtenir la sagesse de la libération, l’enseignement de ces trois véhicules est nécessaire : ils sont considérés comme les véhicules principaux ; les autres sont secondaires.
Avant que le Bouddha Shakyamuni fût apparu sur la terre, de nombreux Hindous soutenaient qu’ils avaient atteint le nirvana, ou qu’ils étaient des arhats, ou qu’ils avaient acquis le niveau de Brahma. Mais après que le Bouddha eut commencé à propager l’enseignement, il entreprit de défaire les visions erronées, et put ainsi démontrer qu’aucun d’eux n’avait atteint la sagesse de la libération, c’est-à-dire qu’aucun n’avait atteint ni le nirvana, ni l’état d’arhat, ni encore la sagesse de Brahma.
Dans les sutras bouddhistes comme l’Agamasutra ou les Jatakasutras, nous pouvons comprendre clairement que, pour qu’une personne puisse écouter l’enseignement du Bouddha et, par la suite, s’exercer à la réalisation de différents niveaux de pratique, voire même à atteindre l’illumination, il faut qu’elle ait passé d’innombrables kalpas à étudier auprès de bouddhas. Dans les Jatakasutras, le Bouddha n’a de cesse de répéter qu’il a rencontré ses plus grands disciples il y a déjà un nombre de kalpas incalculable. Ces gens faisaient souvent partie de la famille du Bouddha dans leurs vies antérieures, ou appartenaient au cercle de ses proches amis. Ce n’était donc pas un hasard s’ils avaient pu rencontrer le Bouddha.
Il est écrit dans le sutra du diamant que si quelqu’un accorde sa confiance dans seulement quelques mots qui y sont dits, c’est parce qu’il a établi par le passé avec le Bouddha déjà de bonnes relations karmiques. Le Bouddha y explique également ceci :
Un demi-millénaire après ma mort, si certaines personnes maintiennent les préceptes, qu’elles s’exercent à la générosité et qu’elles reconnaissent, confiantes, que ce sutra exprime ce qui est vrai, elles ne se sont pas contentées, par le passé, d’établir de bonnes relations karmiques avec un, deux ou trois bouddhas : elles ont établi de bonnes relations karmiques avec une infinité de bouddhas.
Aujourd’hui, que nous comprenions ou non ce sutra, il se peut que nous ayons déjà confiance dans les trois trésors et dans le chemin de la libération, et si tel est le cas, il est hors de doute que nous avons, il y a un nombre infini de kalpas, établi de bonnes relations karmiques avec les bouddhas. En d’autres termes, chaque pratiquant bouddhiste doit passer d’abord par les deux dharmas secondaires – êtres humains et dieux célestes – pour pouvoir accumuler des mérites. Après qu’il en aura obtenu une quantité suffisante, il pourra travailler aux trois autres véhicules, ceux de bodhi.
Le fondement du chemin de la libération commence avec les véhicules des êtres humains et des dieux célestes. C’est pourquoi il faut, pour commencer, travailler la générosité, puis les préceptes, et enfin gagner les mérites nécessaires pour avoir la possibilité de devenir dieu céleste. Si nous n’avons pas accumulé suffisamment de ces mérites, il nous sera impossible d’obtenir les fruits de la libération. Nous pourrons bien pratiquer très longtemps, nous ne les obtiendrons pas et nous rencontrerons, par surcroît, de nombreux écueils qui nous sépareront de l’illumination. Un nombre important de kalpas ne suffira peut-être pas à nous donner accès à l’illumination.
De nombreux pratiquants ne comprennent pas cela. Ils peuvent pratiquer vie après vie, semblent avoir des affinités avec le bouddhisme, mais il leur est toujours très difficile de rencontrer de vrais maîtres, et plus ardu encore d’obtenir les fruits des trois véhicules de bodhi, quels qu’ils soient : ils n’ont pas accumulé assez de mérites en tant qu’êtres humains ou dieux célestes. Ils n’ont pas maintenu les cinq préceptes[4] et les dix bonnes actions karmiques[5]. A moins donc d’avoir accumulé assez de mérites grâce au respect des préceptes et à la pratique des bonnes actions, il est impossible de retirer les moindres fruits sur le chemin de bodhi. Il faut donc commencer par agir de manière juste en tant qu’être humain, avant de pouvoir pratiquer et établir les relations karmiques qui nous permettront d’accéder au chemin juste.
[1] Littéralement : « ceux qui écoutent ». Il s’agit de pratiquants du hinayana qui doivent écouter l’enseignement du Bouddha pour pouvoir devenir des arhats.
[2] Littéralement : « réalisateurs solitaires ». Il s’agit de pratiquants du hinayana qui peuvent devenir des arhats sans écouter l’enseignement.
[3] C’est le véhicule des boddhisattvas qui permet d’atteindre la bouddhéité. Il est appelé également mahayana.
[4] Ne pas tuer, ne pas voler, n’avoir pas de relation sexuelle illégitime, ne pas mentir, ne pas consommer de substances qui intoxiquent l’esprit (drogue, alcool).
[5] Ne pas tuer, ne pas voler, ne pas avoir de relations sexuelles illégitimes, ne pas proférer d’insultes, ne pas tenir de double langage, ne pas se livrer à la diffamation, ne pas déformer la vérité en l’amplifiant, ne pas parler pour ne rien dire, ne pas être avide, ne pas se mettre en colère et n’avoir pas de vision erronée. Certains sutras parlent autrement de ces bonnes actions, et préconisent la charité, la moralité ou conduite juste pour maintenir les préceptes, le fait de muscler sa concentration, la révérence ou le respect, le fait de rendre service à autrui, le transfert de mérites, le fait de se réjouir pour les mérites obtenus par autrui, le prêche et l’enseignement du dharma, la connaissance et la pratique du dharma, et le fait de rompre toute vision erronée au sujet du vrai moi.