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Après avoir pris refuge dans les trois trésors et prononcé les vœux d’atteindre l’illumination complète et parfaite d’un bouddha (anuttarā-samyak-saṃbodhi), nous devons pratiquer progressivement et sans nous arrêter pour parcourir le chemin vers la bouddhéité, tâche qui durera trois kalpas incalculables.
L’illumination en est une étape cruciale, que nous atteignons grâce, entre autres, à la vision juste sur le vrai moi. C’est à ce moment-là, en rencontrant notre vrai moi, tathagatagarbha, que nous commençons à accumuler la prajna, la sagesse bouddhiste. Tous les bouddhas possèdent les quatre types de sagesse pure, car tous les vijnanas (consciences) d’un bouddha sont transformés en sagesse. Ainsi, l’acquisition de prajna lors de la pratique bouddhiste est importante pour atteindre la bouddhéité.
Caractéristiques magnifiques du Bouddha
Les êtres sensibles ont besoin au moins de trois kalpas incalculables pour atteindre la bouddhéité. Le bodhisattva de l’illumination sublime a déjà vécu et pratiqué pendant tout ce temps inconcevable. Il ne lui reste plus qu’une vie de bodhisattva avant de devenir un bouddha. Il manifestera alors les huit événements archétypaux[1] de la vie d’un bouddha pour que nous en soyons témoins. Lorsque le bodhisattva de l’illumination sublime deviendra un bouddha, il aura non seulement les dix épithètes, mais aussi toutes les autres caractéristiques d’un bouddha, y compris les dix pouvoirs, les quatre types d’intrépidité ou de confiance totale[2], les dix-huit attributs distincts[3] de bouddha, les trente-deux marques principales et les quatre-vingts marques secondaires d’un grand homme.
Rencontrer le bodhisattva de l’illumination sublime semble presque impensable pour la plupart d’entre nous durant cette ère de la fin du dharma, sans parler de rencontrer directement le Bouddha. Néanmoins, nous devons nous estimer heureux que les enseignements du Bouddha soient toujours présents dans ce monde Saha pour que nous puissions les suivre. Fondamentalement, notre pratique consiste dans l’accumulation de mérites et de vertus, et dans l’amélioration de deux types de sagesse pour atteindre l’illumination et rencontrer notre véritable esprit, tathagatagarbha. Grace à la connaissance des cinquante-deux étapes de la pratique nous pouvons déterminer notre niveau actuel et savoir comment poursuivre notre chemin.
Les cinquante-deux étapes de la pratique
Les cinquante-deux étapes de la pratique décrites dans le Soutra de la guirlande de fleurs (Avataṃsaka Sūtra) sont les dix étapes de la foi[4], les dix étapes de la stabilisation[5], les dix étapes de la pratique[6], les dix étapes du retour des mérites[7] et les dix terres de boddhisattva[8], plus les deux dernières étapes : l’illumination virtuelle[9] et l’illumination sublime[10]. C’est uniquement en parcourant toutes ces étapes qu’on devient un bouddha.
Le Bouddha explique également les quatre étapes pour devenir un arhat, c’est-à-dire celui qui peut se libérer en arrêtant sa propre réincarnation[11] : celui qui entre dans le courant (srotaāpanna), celui qui revient une fois (sakrdāgāmin), celui qui ne revient pas (anāgāmin) et l’arhat ou le pratyekabuddha[12].
En suivant ce qui est écrit dans les sutras, les êtres sensibles acquerront correctement les deux types de sagesse en pratiquant progressivement sur le chemin de la libération et le chemin vers la bouddhéité, ainsi qu’en nourrissant le désir d’être utile à tous les autres êtres. En effet, nous ne deviendrons pas un bouddha si l’un de ces éléments n’est pas présent.
Deux types de sagesse
La sagesse mondaine (ordinaire)
Il s’agit de la sagesse qu’on acquiert pour survivre dans ce monde et satisfaire les désirs de notre ego.
Après la naissance nous apprenons progressivement à manger, à marcher, à parler et à interagir avec les autres. Plus tard nous apprenons à lire et à écrire, et nous obtenons différents diplômes. Ensuite nous apportons notre contribution à la société et à notre civilisation.
Finalement, toutes les connaissances qu’on accumule, les inventions et le développement technologiques se retrouvent au service de notre ego. Ce sont tous ces éléments qui constituent la sagesse ordinaire ou mondaine. Cette sagesse est différente de celle qui a été enseignée dans les trois tours de la roue du dharma.
La sagesse transmondaine
C’est la sagesse que le Bouddha nous a transmise dans les sutras et qui permet de nous libérer de la réincarnation et de devenir bouddha un jour. Le Bouddha a personnellement parcouru le chemin de la libération et le chemin vers la bouddhéité, et depuis, il partage sa propre expérience avec tous les êtres sensibles.
Ses enseignements contiennent une description pratique des cinquante-deux étapes que nous devons parcourir dans notre quête de la bouddhéité. Ce qui est considéré comme un seuil crucial est l’illumination ou la découverte de l’esprit véritable, du vrai moi, ce qui fait naître la sagesse de prajna. Cette dernière est la base qui nous permet d’avancer progressivement vers les étapes supérieures et finalement de devenir un bouddha. Étant donné que le but final du bouddhisme est de se libérer des trois mondes, tout attachement aux phénomènes propres à l’un d’entre eux constituera une entrave sur le chemin de la libération.
En d’autres termes, tout ce qu’on appelle d’habitude le « progrès » de la civilisation ou le « développement » de l’être humain n’est finalement qu’un cycle sans fin de phénomènes impermanents : la naissance, la maladie, le vieillissement et la mort. Par conséquent, les bouddhistes considèrent le monde qui nous entoure comme impermanent, plein de souffrance, vide et finalement sans aucun intérêt. Lorsque nous orientons nos comportements et nos pensées loin des affaires ou des phénomènes mondains, nous développons et acquérons une sagesse transmondaine.
Pour éviter tout malentendu, précisons ici que si le fait de développer une solution pour éradiquer une maladie ou nourrir beaucoup de personnes est hautement louable, il ne faut jamais se laisser piéger et proposer des solutions qui, en fin de compte, créeront plus de problèmes qu’ils n’en résoudront, tout cela dans le seul but de satisfaire notre avidité.
Conclusion
En avançant à travers les cinquante-deux étapes de pratique avec l’aide des bouddhas, nous finirons par perfectionner les quatre types de sagesse d’un bouddha : la huitième conscience se transformera en la grande sagesse parfaite du miroir (ādarśa-jñāna), la septième conscience (manas) se transformera en la sagesse de l’égalité (samatā-jñāna), la sixième conscience (conscience mentale) se transformera en la sagesse de l’observation merveilleuse (pratyavekṣa-jñāna) et les cinq autres consciences se transformeront en la sagesse de l’accomplissement parfait (kṛtya-anusthāna-jñāna). Par conséquent, acquérir à la fois la sagesse mondaine et transmondaine, c’est comme faire fonctionner harmonieusement nos deux jambes pour pouvoir avancer régulièrement sur le chemin de notre pratique. L’application constante de ces deux types de sagesse dans notre vie quotidienne nous aidera à avancer tout au long des trois incalculables kalpas, pour atteindre en fin de compte la bouddhéité.
[1] Ou souffrances :
- Souffrance de la naissance ;
- Souffrance de la vieillesse ;
- Souffrance de la maladie ;
- Souffrance de la mort ;
- Souffrance d’être séparé de ceux qu’on aime ;
- Souffrance d’être avec ceux qu’on déteste ;
- Souffrance de ne pas obtenir ce que l’on veut ;
- Souffrance liée aux cinq agrégats.
[2] Les quatre types sont :
- Absence de peur lorsqu’il affirme avoir atteint l’illumination parfaite ;
- Absence de peur lorsqu’il affirme avoir détruit tous les souillures ;
- Absence de peur de montrer aux gens les éléments qui empêchent la réalisation du dharma; et
- Absence de peur d’exposer la méthode de libération.
[3] Il existe dix-huit caractéristiques qui différencient un bouddha de tous les autres êtres des neuf royaumes:
- Perfection de son corps (ou de sa personne)
- Perfection de la bouche (ou de la parole)
- Perfection de sa mémoire
- Perfection d’impartialité envers tout le monde
- Sérénité
- Abnégation
- Désir incessant de sauver
- Zèle inlassable pour sauver
- Pensée inébranlable pour sauver
- Sagesse incessante pour sauver
- Pouvoirs de délivrance
- Principe des pouvoirs de délivrance
- Révéler la sagesse parfaite dans les actes
- Révéler la sagesse parfaite en paroles
- Révéler la sagesse parfaite en pensée
- Connaissance parfaite du passé
- Connaissance parfaite de l’avenir
- Connaissance parfaite du présent
[4] Un être sensible a besoin d’un à dix mille éons pour mettre en place cette croyance pure dans l’enseignement du Bouddha.
[5] Le pratiquant est bouddhiste et commence à pratiquer.
[6] Pratique intensive qui permet de voir le monde comme quelque chose d’éphémère.
[7] Le pratiquant partage les bénéfices de ses actes à autrui et sait comment le faire.
[8] Appelées aussi « bhumi » : ce sont les étapes majeures qu’un boddhisattva doit parcourir.
[9] Le bodhisattva est prêt à devenir bouddha.
[10] C’est le niveau de bouddha.
[11] Un arhat n’est pas un bouddha mais un bouddha est aussi arhat.
[12] Le pratyekabuddha a le même niveau qu’un arhat mais a la différence de ce dernier il l’a obtenu tout seul sans compter sur l’enseignement du Bouddha.