(Le Soutra du Nirvana (Mahāparinirvāṇasūtra), Vol. 4)
Un jour une jeune mère se rendit à une assemblée pour écouter la parole du Bouddha, mais elle était constamment distraite parce qu’elle n’arrêtait pas de penser à son bébé. Le Bouddha s’adressa à elle publiquement, en lui demandant : « Êtes-vous inquiète pour votre bébé parce que vous ignorez si sa nouvelle alimentation lui convient? »
La jeune mère fut très étonnée par la remarque du Bouddha. Elle lui répondit :
« C’est incroyable, Bhagavan ! Comment avez-vous pu connaître mes pensées ?
En effet, j’étais profondément inquiète pour mon bébé, me demandant si sa nouvelle nourriture lui convient. Le Béni du Ciel pourrait-il calmer mes inquiétudes ? »
Le Bouddha s’adressa alors à la jeune mère en disant :
« Ne vous inquiétez pas. Votre enfant grandit et a besoin de plus de nourriture pour soutenir son corps. La nourriture que vous lui donniez avant n’était pas suffisante pour lui permettre de progresser.
Le Bouddha fit de même en exposant les divers dharmas : il permit aux êtres sensibles qui avaient différentes capacités de bien assimiler l’enseignement.
Ainsi, le Bouddha a enseigné les notions de non-soi[1] et d’impermanence. Si le Béni du Ciel avait initialement parlé de permanence, ses auditeurs auraient considéré qu’il s’agissait de la même chose que le dharma des non-bouddhistes et seraient partis aussitôt.
Tous les disciples qui pratiquent le petit véhicule des sravakas sont les mêmes que votre nourrisson : ils sont encore incapables d’absorber le dharma permanent. Par conséquent, je leur ai d’abord enseigné les concepts de souffrance et d’impermanence. Si les disciples sravakas accumulent suffisamment de bons karmas pour pouvoir pratiquer les sutras du Mahayana, je leur parle alors des six saveurs des sutras. Quelles sont ces six saveurs ? Ce sont le goût vinaigré de la souffrance, le goût salé de l’impermanence, le goût amer du non-soi, le goût sucré de la béatitude, le goût âcre du soi et le goût fade de la permanence. Ainsi, le monde terrestre comporte trois saveurs : l’impermanence, le non-soi et la non-béatitude. Les afflictions sont le combustible et la sagesse est le feu. Avec de telles causes et conditions, nous obtenons le repas du nirvana, qui est permanent, béat, et le soi. Les disciples sont alors ravis de le consommer. »
[1] L’absence de moi.