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Un pays sans vieux


(Agama sutra)

Il y a plusieurs kalpas il existait un pays où les gens, en devenant vieux, se faisaient chasser du royaume. Mais le premier ministre de ce pays adorait son père et lui vouait un respect sans limite. Par conséquent, il décida d’enfreindre cette loi en construisant discrètement une cave où il installa son père, et passait le voir tous les jours.

Un jour un asura céleste[1] arriva devant le roi de ce pays, lui montra deux serpents et lui dit :

« Si vous arrivez à distinguer le serpent mâle du serpent femelle, j’accorderai ma bénédiction à votre pays, mais si vous vous trompez, je vous punirai sévèrement : je déclencherai une épidémie et tous vos sujets et vous-même mourrez ! »

Ne connaissant pas la réponse, le roi était très inquiet. Il convoqua tous ses ministres et leur dit que celui qui arriverait à répondre à cette question recevrait une bonne récompense et un très haut poste.

Le premier ministre raconta tout à son père qui lui dit :

« Ah, mais ça, c’est facile. Prends une éponge et mets l’un des serpents sous l’éponge. Si le serpent s’inquiète, c’est le mâle, et s’il reste tranquille, c’est la femelle. »

La solution proposée fonctionna à merveille, mais alors l’asura demanda :

« Quelles sont les personnes desquelles on doit dire qu’elles sont éveillées ? Et quelles sont les personnes qui ne sont pas éveillées ? »

Encore une fois personne ne connaissait la réponse et le premier ministre dut de nouveau poser la question à son père. Ce dernier dit :

« Les vrais pratiquants qui ont atteint l’illumination sont des gens éveillés. Et les gens ordinaires sont des gens qui ne sont pas éveillés. »

En recevant cette réponse, l’asura parut très mécontent et dit :

« Mon éléphant, qui peut dire quel est le poids de mon grand éléphant ? »

Personne ne savait parce que personne n’avait une balance assez grande pour peser ce pachyderme.

Le premier ministre demanda encore à son père et ce dernier lui répondit :

« C’est facile. Faites monter l’animal sur un bateau, marquez la ligne de flottaison et ensuite, remplacez l’éléphant par des cailloux jusqu’à retrouver la même ligne de flottaison. Enfin, il suffira d’additionner le poids de tous les cailloux pour connaitre le poids de l’éléphant. »

Cette manière de procéder permit de fournir la bonne réponse à l’asura, qui n’avait pas fini cependant avec ses questions :

« Un verre d’eau qui contient plus d’eau que l’océan, qui peut comprendre ça ? »

Personne ne pouvait répondre.

Le premier ministre alla encore voir son père qui lui dit :

« C’est très facile. Si vous donnez un verre d’eau au Bouddha, ou à un maitre illuminé, ou aux parents, ou aux gens malades, ou encore à ceux qui ont soif, les mérites que vous allez recevoir, seront infiniment grands. Et même si l’eau de l’océan peut disparaitre un jour, le bénéfice de votre geste ne disparaitra jamais. »

Alors l’asura se transforma en une personne très maigre dont on voyait les os à travers la peau, et dit :

« Qui peut être tenaillé par la faim plus que moi ? »

Le père connaissait encore la réponse :

« Les gens qui se comportent mal dans la vie et accumulent beaucoup de mauvais karmas iront en enfer après leur mort et y souffriront de la faim plus que cet asura. »

Alors l’asura se transforma en esclave avec des chaînes sur les bras et le cou, et des traces de brûlure sur son corps. Puis il demanda :

«  Qui peut souffrir plus que moi ? »

Le roi et le premier ministre ne connaissaient toujours pas la réponse, et le premier ministre alla poser la question à son père.

Ce dernier dit :

« Les gens qui ne respectent pas leurs parents, qui trahissent leurs maîtres et diffament l’enseignement du Bouddha iront en enfer plus tard et souffriront beaucoup plus que cet asura. »

Alors l’asura se transforma en une très belle femme et demanda :

« Qui peut être plus beau que moi ? »

Personne ne le savait.

Le premier ministre demanda encore à son père et ce dernier lui dit :

« C’est très simple, c’est une fille qui pratique la générosité et se conduit d’une manière juste. Plus tard, une fois montée au paradis céleste, elle sera plus belle que l’asura. »

Alors l’asura montra un morceau de bois de santal et demanda :

« Quel bout était plus près de la racine et quel bout était plus près de l’extrémité de l’arbre ? »

Personne ne pouvait répondre.

Quand le premier ministre demanda à son père, ce dernier lui répondit :

« Mettez ce morceau de bois dans l’eau. La partie qui était plus proche de la racine sera plus lourde et l’autre partie flottera plus. »

Alors l’asura prit deux chevaux blancs identiques et demanda :

« Lequel de ces chevaux est la mère et lequel est le fils ? »

Le père connaissait de nouveau la réponse :

« Donnez-leur un peu de nourriture et la mère laissera sûrement son fils manger d’abord. »

Dès que ce dernier problème eut été résolu, l’asura fut très content et dit :

« Je suis très satisfait de vos réponses et vous aurez ma bénédiction. »

Le roi fut très content à son tour et dit à son premier ministre :

« Tu es vraiment très sage et très doué. Je vais te récompenser richement. »

Mais le premier ministre répondit :

« Ce n’est pas moi. J’ai commis un péché et j’aimerais que le roi me pardonne. J’ai gardé mon père à la maison, il vit caché dans une cave et c’est lui qui a répondu a toutes les questions. Cette sagesse vient de mon père et pas de moi.

J’aimerais que Votre Majesté nous autorise à garder nos vieux avec nous. »

Le roi dit :

« Votre père est vraiment un grand sage. Je vais le nommer grand maître de notre pays et à partir de maintenant nous n’allons plus chasser les plus âgés de notre pays. »

Je vous laisse deviner qui était le père du premier ministre. Bravo, vous avez trouvé, c’était le Bouddha Shakyamuni. Le premier ministre était son disciple Sariputra et le roi était Ajatashatru. L’asura était Ananda.

De ce sutra on comprend que les bouddhistes respectent profondément les personnes âgées parce qu’elles ont beaucoup de sagesse et bien plus d’expérience que nous. Il faut donc faire montre de patience avec eux parce qu’elles ont eu de la patience elles-mêmes quand nous étions jeunes. Le respect des parents est la base principale du bouddhisme.

[1] Un être doté de pouvoirs surnaturels qui tombe souvent sous l’emprise de la colère.