Menu Fermer

Le chamanisme du point de vue bouddhiste


Le bouddhisme prête à chaque être un vrai moi, un tathagatagarbha. Il faut donc que les chamans eux-mêmes possèdent le leur. Le bouddhisme ne rejette pas le chamanisme, puisqu’il considère que tous les êtres peuvent devenir des bouddhas. Concernant les pouvoirs chamaniques, deux points nous intéressent. Notons tout d’abord que la plupart des gens ne parviennent pas à résoudre leurs problèmes, en particulier parce qu’ils sont attachés à leurs intérêts personnels. D’aucuns sollicitent alors des chamans, qui parviennent parfois à les résoudre. Cela n’est pourtant que temporaire, car la racine du problème n’a pas été arrachée, et beaucoup d’entre eux, bien qu’approximativement résolus, laissent encore flotter des effets secondaires.

Ensuite, les chamans qui communiquent avec les esprits ne peuvent le faire que s’ils furent durant plusieurs réincarnations des fantômes eux-mêmes. Aussi, au moment de se réincarner sous la forme d’êtres humains, ils peuvent continuer de communiquer avec les esprits à cause du lien karmique puissant qui les reliaient à eux et du désir des esprits eux-mêmes de demeurer au contact des chamans. Les pouvoirs chamaniques, qui sont donc le fruit d’un conditionnement, permettent de résoudre modestement les problèmes, mais sans cependant y parvenir jamais totalement.

Si les chamans peuvent comprendre tant de choses sur les personnes qui les consultent, c’est que les fantômes avec qui ils communiquent sont capables de percevoir la vie de ces personnes, y compris leurs toutes dernières vies antérieures. Ils peuvent aussi voir ceux qui, dans l’entourage des personnes qui consultent le chaman, celles qui voudront leur nuire dans un avenir proche. C’est ainsi que le chaman est en mesure d’apporter des informations exactes sur le passé des gens, mais pas sur leur avenir lointain. Il ne peut donc proposer que des solutions temporaires pour un avenir immédiat.

Si, au reste, le chaman voulait interrompre son activité, il n’y parviendrait pas car les esprits, eux, ne cesseraient de l’importuner pour qu’il honore le « contrat » qu’il a signé avec eux, à moins qu’ils aient trouvé quelqu’un d’autre pour le remplacer. Les esprits en effet trouvent un intérêt à communiquer ainsi avec les chamans. Ils sont comparables à une mafia que l’un des membres échouerait à dissoudre à cause de l’intérêt que tous les membres ont en partage. C’est pourquoi le bouddhisme ne recommande nullement le chamanisme. Il est en outre très probable que le chaman, au moment de décéder, devienne à son tour un fantôme. Il est bien évident alors qu’il n’acquerra pas la sagesse de la libération et que, d’existences en existences, il sera condamné à errer en tant qu’esprit.

Un chaman de ma connaissance décida un jour de pratiquer le bouddhisme et, voulant prendre les préceptes des bodhisattvas, il vit trois esprits s’opposer à son dessein. Ils entreprirent alors de nuire à sa santé, de telle sorte qu’il perdit vingt kilos en deux mois. De nombreuses personnes prièrent pour l’aider, car il fallait détourner de lui les esprits qui s’y étaient attachés. Réfléchissez donc bien avant de vouloir devenir vous-mêmes des chamans. Si vous pouvez voir les esprits, ignorez-les, et si vos regards se croisent, faites comme si vous regardiez au loin, derrière eux, ou focalisez votre regard dans une autre direction. Un chaman taïwanais fort célèbre affirmait que sa vie était ennuyeuse et qu’en dehors des repas et du sommeil il était sans cesse sollicité par des fantômes, de telle manière qu’il leur consacrait tout son temps, et bien qu’il ait aujourd’hui envie d’arrêter, les fantômes le lui interdisent.

En définitive, la pratique bouddhiste nous aide à cultiver la sagesse liée à l’enseignement du Bouddha dans sa vie de tous les jours. Nous sommes ainsi capables de résoudre les difficultés en apprenant à n’être pas attachés aux choses. Le bouddhisme ne s’intéresse pas à la consultation des fantômes, qui ne font guère autre chose que négocier avec d’autres fantômes, sans jamais corriger la cause première des problèmes pour lesquels certaines personnes se rendent chez les chamans. Le pratiquant bouddhiste peut avoir acquis la capacité de voir et d’entendre des fantômes, mais le bouddhisme demande de ne pas l’utiliser ou de ne pas la cultiver avant d’avoir atteint le premier bhumi au moins. Ajoutons enfin que les problèmes que nous rencontrons sont les meilleures occasions pour nous de progresser.

Nous espérons que tout le monde atteindra la sagesse de la libération.

Amitofo.