I. Préface :
Celui qui de ce sutra s’écarte d’un mot fait alors œuvre du diable.
« Les bouddhas désapprouvent la lecture littérale des sutras », dit une certaine tradition.
Mais qu’il s’abstienne de s’écarter d’un seul mot d’un sutra, celui qui cherche à le comprendre, car alors ce qu’il lirait serait un discours hérétique, et non plus du Bouddha. Les sutras bouddhistes utilisent par définition la matière verbale pour expliquer la vérité, le sens fondamental du monde. Ce sens est très profond et son accès est particulièrement difficile. Il y est question du vrai moi, de l’essence du Bouddha. Ce sens n’est pas accessible grâce à la lecture de quelques sutras ou aux discours des maîtres, et il déserte totalement les forums de discussion. L’illumination, en somme, n’est pas accessible par ces voies et la compréhension de ce vrai moi, de ce dharma sans commencement est hors de ces sentiers communs. Le vrai moi n’entend pas, mais sans lui nul ne peut entendre. Il ne parle pas, mais sans lui la parole n’existe pas.
Dans le sutra du diamant, on lit ce passage :
Subhuti, dit le Bouddha, ne dis à personne que j’ai parlé de l’enseignement. Pourquoi dis-je cela ? Si quelqu’un vient et rapporte : « le Bouddha a diffusé l’enseignement », il porte diffamation contre le Bouddha. Subhuti, celui qui prétendrait cela ne comprendrait pas ce que je dis. En vérité, il n’y a aucun mot qui exprime l’enseignement : telle est la seule manière d’exprimer l’enseignement.
Le Bouddha enseigna durant quarante-neuf années. Il donna plus de trois-cents conférences. Pourtant il n’a jamais dit le moindre mot. Si quelqu’un utilise un certain mot sans avoir compris le sens fondamental de l’enseignement du Bouddha, tout le monde prétendra que cette personne ne l’a pas compris. Qu’il s’éloigne en revanche un instant du sutra, qu’il néglige un seul mot, et le sutra perd tout son sens et devient une hérésie.
Un ami m’a récemment parlé du Kalama sutra en le qualifiant d’un des plus importants sutras du Bouddha, à cause notamment d’un passage fort connu des occidentaux qui évoquerait un individualisme libéral proche de la pensée occidentale. Ce passage insisterait sur la nécessité de douter de tout, de croire ce que nous avons envie de croire, notamment les théories qui nous sont profitables (alors qu’au contraire, il faudrait refuser toute théorie ne nous apportant aucun profit). En lisant ce passage, les gens en viennent à penser que le bouddhisme est une religion qui invite à tout chercher par soi-même en s’enfermant dans un scepticisme obsessionnel qui va jusqu’à refuser de croire la parole du Bouddha. Seul, le fait de croire en soi est juste.
L’ami qui a évoqué ce sutra me disait que le texte contenait dix points principalement :
1. Doutez de ce que les gens vous disent.
2. Doutez de l’authenticité des traditions.
3. Doutez de la véracité des informations que l’on diffuse autour de vous.
4. Doutez de ce que disent les textes sacrés – Bible, sutras…
5. Doutez de tous les raisonnements logiques.
6. Doutez de la philosophie.
7. Doutez de vos propres pensées.
8. Doutez de tous les concepts, de toutes les hypothèses, de toutes les idées communément admises.
9. Doutez de la parole des individus même les plus populaires.
10. Doutez de la parole de ceux que vous considérez comme votre maître, votre gourou, ou même du Bouddha.
Lorsque mon ami m’exposa ces dix points, je ne contins pas ma surprise. Je suis pratiquant bouddhiste, et même si ma pratique est très médiocre, je peux affirmer immédiatement que ces dix paroles ne viennent pas du Bouddha, car ce genre de discours conduit les pratiquants à accroître considérablement les doutes qu’ils nourrissaient déjà. De surcroît, c’est une pratique qui cultive l’égoïsme dans la mesure où elle incite l’individu à pratiquer exclusivement ce qui lui convient. Cela ne l’aide en aucune manière à avoir confiance dans le Bouddha et augmente la distance qui le sépare de l’illumination. Pourquoi ? Laissez-moi s’il vous plaît vous l’expliquer.
Pour accéder au premier fruit de śrāvaka, le bouddhisme affirme qu’il faut mettre un terme aux trois nœuds, c’est-à-dire à l’attachement aux illusions concernant la nature du vrai moi, à l’attachement à une vision confuse de l’enseignement et à celui enfin à une compréhension erronée de la pratique. Le śrāvaka qui délie ces nœuds se délivre du doute.
Mais si nous suivons les recommandations du Kalama Sutra, il nous faut donc douter de tout, y compris de ces vérités qu’a énoncées le Bouddha, si bien que cette vision confuse persistera dans notre esprit, le scepticisme l’y retenant. En effet, d’après ce sutra, tout est susceptible d’être faux et par conséquent, quiconque pratique le scepticisme en permanence ne sera jamais en accord avec la parole du Bouddha et ne pourra pas avancer sur le chemin de la pratique.
Prenons un exemple. Supposons que vous preniez votre véhicule pour vous rendre à Paris, alors que vous n’y êtes encore jamais allé. Mais vous n’avez confiance ni en votre plan, ni en votre GPS, ni encore aux panneaux indicateurs. Comment arriverez-vous dans la capitale ? Avez un peu de chance, peut-être la trouverez-vous… à ceci près que, lorsque vous y serez, vous vous mettrez à douter d’y être effectivement ! Du coup, même en étant à Paris, vous n’y serez pas vraiment !
Je suis allé vérifier la traduction anglaise du Kalama Sutra. Les premiers versets du sutra expliquent que les habitants d’un village appelé Kalama rencontrèrent le Bouddha pour l’interroger. A l’une des questions qu’il leur posait, le Bouddha répondit en ces termes :
Ô peuple de Kalama, vous doutez, je ne peux le nier. Vous n’avez point de certitude. Ne croyez pas ce que vous dit la tradition, ce que vous avez entendu, ce que disent les textes, ce que soulèvent vos soupçons ; ne croyez pas non plus vos raisonnements, les résultats de vos comparaisons ou vos ressentis. Ne croyez pas non plus quelqu’un parce qu’il est un maître vous. Vous devez par vous-mêmes comprendre quelles doctrines sont incohérentes, lesquelles vont essuyer des reproches, lesquelles subiront la critique des sages. Vous comprendrez finalement que le fait de suivre ces doctrines aboutit à la souffrance et qu’il est impératif de les rejeter.
Ô peuple de Kalama, souvenez-vous de ce que je dis. Ne croyez pas ce que vous dit la tradition, ce que vous avez entendu, ce que disent les textes, ce que soulèvent vos soupçons, ni vos raisonnements, les résultats de vos comparaisons ou vos ressentis. Ne croyez pas non plus quelqu’un parce qu’il est un maître vous. Vous devez déterminer, comprendre par vous-mêmes quelles doctrines sont bonnes, quelles doctrines ne seront critiquées par personne, lesquelles seront félicitées par les sages et, pratiquées, vous apporteront paix et bonheur. Une fois que vous aurez découvert cette doctrine, pratiquez-la en vous y tenant.
Ce passage du sutra que nous venons de citer présente beaucoup de problèmes eu égard au bouddhisme. Le Bouddha n’a cessé de répéter que la vie était remplie de souffrances. Dans aucun sutra en dehors du Kalama sutra il n’a été question pour le Bouddha d’inviter les hommes à chercher la paix et le bonheur.
Les trois sceaux de l’enseignement du Bouddha se résument à ceci : tous les phénomènes sont impermanents, tous les dharmas nous enseignent que le vrai moi ne s’y trouve pas, et, enfin, le nirvāṇa est silence absolu.
Ce passage du Kalama sutra, qui prétend qu’il faut chercher la paix et le bonheur et y voir notre vrai moi, ne correspond pas à ce que nous venons de dire des trois sceaux. En nous appuyant sur les trois sceaux, il nous devient alors aisé de dire que ce passage n’a rien de commun avec l’enseignement du Bouddha.
J’ai également fouillé dans les compilations des sutras traduits en chinois. Dans la compilation de l’Agama sutra j’ai trouvé le Kalama sutra sous l’intitulé Qielan jing (伽藍經). On y relève cette histoire : le peuple Qielan est venu parler au Bouddha à cause des doutes qu’il avait sur la pratique de certains moines de sa connaissance. Le Bouddha lui a alors très clairement exposé les cinq préceptes, avant de l’inviter à les suivre. En revanche, ce passage incohérent au sujet du doute systématique est totalement absent du sutra.
Ainsi, si nous nous éloignons d’un seul mot d’un sutra, celui-ci devient immédiatement une hérésie. Ce passage purement inventé que nous avons examiné a fait perdre au bouddhisme beaucoup d’honnêtes pratiquants.
Notre espoir à présent est que le témoignage dont je viens de rendre compte sera profitable à d’autres pratiquants, et si le moindre mérite peut en sortir, que tous en puissent alors bénéficier.
Que l’enseignement du Bouddha, nous l’espérons, puisse perdurer aussi longtemps qu’il sera possible.
AMITOFO.
II. Nouvelle traduction du Kalama sutra (伽藍經) (traduit du chinois) :
我聞如是:
一時,佛遊伽藍園,與大比丘眾俱,至羇舍子,住羇舍子村北尸攝惒林中。
爾時,羇舍子伽藍人聞沙門瞿曇釋種子捨釋宗族,出家學道,遊伽藍園,與大比丘眾俱,來至此羇舍子,住羇舍子村北尸攝惒林中。彼沙門瞿曇有大名稱,周聞十方,沙門瞿曇如來、無所著、等正覺、明行成為、善逝、世間解、無上士、道法御、天人師,號佛、眾祐。彼於此世,天及魔、梵,沙門、梵志,從人至天,自知自覺,自作證成就遊。彼若說法,初善、中善、竟亦善,有義有文,具足清淨,顯現梵行,若見如來、無所著、等正覺,尊重禮拜,供養承事者,快得善利。我等應共往見沙門瞿曇,禮事供養。
Ainsi ai-je entendu : Un jour, le Bouddha accompagné par un grand nombre de moines, arriva au village de Kesaputta où habitaient les Kalamas. Il marcha ensuite jusque dans la forêt de Siṃsapāvana, qui était au nord du village. A ce moment-là les Kalamas apprirent que Gautama, qui avait renoncé à la famille Shakya pour devenir moine et découvrir la vérité, était venu au village des Kalamas avec tous ces grands moines et que tous, ils se reposaient à présent au nord du village, dans la forêt de Siṃsapāvana. On disait que ce moine avait plusieurs noms et qu’il avait toute l’intelligence et toute la sagesse. On l’appelait « ainsi-venu » ou Gautama, Celui qui n’a pas d’attachements, Celui qui a atteint l’illumination suprême. On disait qu’il avait des gestes justes, que sa bonté était infinie, que de la vie il connaissait toutes choses, et qu’il était le plus précieux. On disait de lui qu’il était le véritable protecteur de l’enseignement. On le nommait maître de tous les êtres célestes et on l’appelait le Bouddha. Et on disait encore que tous les êtres sensibles le soutenaient. Dans le passé et jusqu’à présent il avait été être céleste, diable, Brahman, Swami, le grand Brahman, être humain, et il avait vécu dans tous les cieux, et il savait qu’il était illuminé. Il avait tout accompli et plus aucun obstacle ne se dressait devant lui : il savait tout cela. Il parlait différemment aux débutants, aux hommes plus avancés ou même à ceux qui voulaient parcourir le chemin jusqu’à devenir des bouddhas. Ses paroles contenaient la vérité. Le Bouddha avait montré comment les moines devaient agir. Il avait démontré ce qu’est tathagata. Il avait démontré ce que veut dire vivre sans attachement, et il avait démontré ce qu’est la parfaite illumination. Pour ceux qui le respectaient et qui lui faisaient des offrandes, les bénéfices, vraiment, allaient être très grands !
羇舍子伽藍人聞已,各與等類眷屬相隨從羇舍子出,北行至尸攝惒林,欲見世尊禮事供養。往詣佛已,彼伽藍人或稽首佛足,却坐一面;或問訊佛,却坐一面;或叉手向佛,却坐一面;或遙見佛已,默然而坐。彼時,伽藍人各坐已定,佛為說法,勸發渴仰,成就歡喜,無量方便為彼說法,勸發渴仰,成就歡喜已,默然而住。
Alors tous ces villageois eurent envie d’offrir des cadeaux au Bouddha, et tous les Kalamas sortirent de leur village parce qu’ils avaient envie de le voir. Ils arrivèrent devant lui et certains le saluèrent. Ceux qui l’avaient salué en lui touchant les pieds, se mirent d’un côté, ceux qui l’avaient salué sans lui toucher les pieds, se mirent de l’autre côté, et ceux qui ne l’avaient pas salué, se mirent ensemble. Enfin, ceux qui ne regardaient que de loin, restèrent aussi entre eux. Les Kalamas s’assirent en attendant que le Bouddha parle. C’était une grande joie pour eux de le voir. Ils félicitèrent le Bouddha. En vérité, ils étaient tous joyeux et ils attendaient sa parole.
爾時,伽藍人,佛為說法,勸發渴仰,成就歡喜已,各從坐起,偏袒著衣,叉手向佛,白世尊曰:「瞿曇!有一沙門梵志來詣伽藍!但自稱歎己所知見,而呰毀他所知所見。瞿曇!復有一沙門梵志來詣伽藍,亦自稱歎己所知見,而呰毀他所知所見。瞿曇!我等聞已,便生疑惑:『此沙門梵志何者為實,何者為虛?』」
世尊告曰:「伽藍!汝等莫生疑惑。所以者何?因有疑惑,便生猶豫。伽藍!汝等自無淨智,為有後世,為無後世?伽藍!汝等亦無淨智,所作有罪,所作無罪?
Enfin, plusieurs Kalamas se levèrent et s’agenouillèrent devant le Bouddha en disant : « Ô vénérable Gautama, des brahmanes viennent dans notre village et disent qu’ils détiennent la vérité. Ils louent leur vérité et ils disent que les autres hommes se trompent. Ainsi ont parlé les maîtres. Maintenant nous avons des doutes et nous voulons savoir ce qui est juste et ce qui n’est pas juste. »
Le Bouddha répondit : « Kalamas, ne laissez pas les doutes vous troubler. Si vous avez des doutes, vous ne serez jamais fermes dans vos décisions. Kalamas, vous ne connaissez pas encore la sagesse pure, vous ne savez donc pas si la réincarnation existe ou si la réincarnation n’existe pas. Kalamas, comme vous n’avez pas la sagesse pure, vous ne savez pas si ce que vous faites produira de mauvais karmas ou de bons karmas. Kalamas, il y a trois types de karmas. Or, la cause de ces karmas est l’habitude. C’est à cause de l’habitude que vous aurez des fruits karmiques.
伽藍!當知諸業有三,因習本有。 云何為三?伽藍!謂貪是諸業,因習本有。伽藍!恚及癡是諸業,因習本有。伽藍!貪者為貪所覆,心無厭足,或殺生,或不與取,或行邪婬,或知已妄言,或復飲酒。伽藍!恚者為恚所覆,心無厭足,或殺生,或不與取,或行邪婬,或知已妄言,或復飲酒。伽藍!癡者為癡所覆,心無厭足,或殺生,或不與取,或行邪婬,或知已妄言,或復飲酒。
Kalamas, quels sont ces trois types de karma ? Le premier type est l’avarice. L’avarice est due à de mauvaises habitudes qui forment alors les mauvais fruits de l’avarice. La colère et l’ignorance sont les deuxième et troisième types. Encore une fois, les mauvaises habitudes forment les mauvais fruits de la colère et de l’ignorance.
Kalamas, les gens qui sont consumés par l’avarice, sont aveuglés par leur propre avarice et ils ne sont jamais satisfaits. Voilà pourquoi ils peuvent tuer des gens, prendre des choses qui ne leur appartiennent pas, raconter des mensonges, avoir des relations sexuelles inappropriées, ou consommer des boissons enivrantes sans pouvoir s’en détacher.
Kalamas, les gens qui sont dévorés par la colère, sont aveuglés par leur propre colère et ils ne sont jamais satisfaits. Voilà pourquoi ils peuvent tuer des gens, prendre des choses qui ne leur appartiennent pas, raconter des mensonges, avoir des relations sexuelles inappropriées, ou consommer des boissons enivrantes sans pouvoir s’en détacher.
Kalamas, les gens qui sont abîmés dans l’ignorance, sont aveuglés par leur propre ignorance. Voilà pourquoi ils peuvent tuer des gens, prendre des choses qui ne leur appartiennent pas, raconter des mensonges, avoir des relations sexuelles inappropriées, ou consommer des boissons enivrantes sans pouvoir s’en détacher.
伽藍!多聞聖弟子離殺斷殺,棄捨刀杖,有慚有愧,有慈悲心,饒益一切,乃至蜫蟲,彼於殺生淨除其心。
Kalamas, les disciples qui écoutent mon enseignement s’empressent de s’éloigner du meurtre, et ils ne tueront plus jamais. Ils délaissent leurs armes, ils confessent les meurtres qu’ils ont commis autrefois et leur compassion devient plus grande. Même les plus petits insectes ont de l’importance pour eux. Ils ne tueront plus, et c’est ainsi qu’ils purifient leur esprit.
伽藍!多聞聖弟子離不與取,斷不與取,與之乃取,樂於與取,常好布施,歡喜無悋,不望其報,彼於不與取淨除其心。
Kalamas, les disciples qui écoutent mon enseignement s’empressent de s’éloigner du vol, et ils ne voleront plus jamais. Les gens qui éprouvent de la joie en prenant ce qui ne leur appartient pas, s’y habituent et deviennent des voleurs. Or, les disciples pleins de sagesse aiment pratiquer la générosité. Ils ne sont pas avares et ils ne font pas commerce de leur générosité. De cette manière ils n’éprouvent plus de joie en prenant ce qui ne leur appartient pas, et c’est ainsi qu’ils purifient leur esprit.
伽藍!多聞聖弟子離非梵行,斷非梵行,勤修梵行,精勤妙行,清淨無穢,離欲斷婬,彼於非梵行淨除其心。
Kalamas, les disciples qui écoutent mon enseignement s’empressent de s’éloigner des rapports sexuels inappropriés, et ils n’auront plus jamais de rapports sexuels inappropriés. Ils pratiquent avec beaucoup de persévérance afin de détruire leur désir d’avoir des rapports sexuels inappropriés. Grace à cette pratique qui les libère de toutes ces souillures, ils s’éloignent de toutes sortes de désirs et détruisent l’envie d’avoir de rapports sexuels inappropriés, et c’est ainsi qu’ils purifient leur esprit.
伽藍!多聞聖弟子離妄言,斷妄言,真諦言,樂真諦,住真諦不移動,一切可信,不欺世間,彼於妄言淨除其心。
Kalamas, les disciples qui écoutent mon enseignement s’empressent de s’éloigner des mensonges, et ils ne mentiront plus jamais. Ils ne disent que la vérité et ils sont contents de dire la vérité parce que la vérité est constante et elle reste toujours vraie. Les autres hommes leur font confiance parce qu’ils savent qu’ils ne mentiront pas, et c’est ainsi que les disciples sages purifient leur esprit.
伽藍!多聞聖弟子離兩舌,斷兩舌,行不兩舌,不破壞他,不聞此語彼,欲破壞此,不聞彼語此,欲破壞彼,離者欲合,合者歡喜,不作群黨,不樂群黨,不稱群黨,彼於兩舌淨除其心。
Kalamas, les disciples qui écoutent mon enseignement s’abstiennent de tenir deux discours opposés, et ils ne diront plus jamais des choses différentes à deux personnes différentes. Ainsi, ils ne veulent plus détruire l’harmonie entre les hommes et quand ceux qui étaient séparés se retrouvent en de bons termes, un tel disciple est heureux. Cependant ces disciples ne doivent pas s’enfermer dans un groupe : ils doivent s’ouvrir aux autres hommes. C’est ainsi que les disciples sages purifient leur esprit.
伽藍!多聞聖弟子離麤言,斷麤言,若有所言,辭氣麤獷,惡聲逆耳,眾所不喜,眾所不愛,使他苦惱,令不得定,斷如是言。若有所說,清和柔潤,順耳入心,可喜可愛,使他安樂,言聲具了,不使人畏,令他得定,說如是言,彼於麤言淨除其心。
Kalamas, les disciples qui écoutent mon enseignement s’empressent de s’éloigner des injures, et ils ne diront jamais aucune grossièreté, car aucun être sensible ne souhaite en entendre. Ils savent que ces mots créent de la souffrance chez les autres et que cela les empêche de progresser. Aussi évitent-ils de prononcer ces mots. La parole doit être douce et calme pour que les gens s’entendent bien et pour qu’ils puissent être tranquilles et ne pas avoir peur. Cela leur permet de progresser. C’est ainsi que les disciples sages purifient leur esprit.
伽藍!多聞聖弟子離綺語,斷綺語,時說、真說、法說、義說、止息說,樂止息說,事順時得宜,善教善訶,彼於綺語淨除其心。
Kalamas, les disciples qui écoutent mon enseignement s’empressent d’éviter les mots qui ne contiennent pas de sens, et ils ne diront plus jamais de tels mots. Leur parole est juste et correcte, elle n’est pas inventée. Elle doit contenir du sens, elle doit pouvoir arrêter les disputes et être dite au bon moment. Les disciples apprennent à discipliner les autres hommes. C’est ainsi que les disciples sages purifient leur esprit.
伽藍!多聞聖弟子離貪伺,斷貪伺,心不懷諍,見他財物諸生活具,不起貪伺,欲令我得,彼於貪伺淨除其心。
Kalamas, les disciples qui écoutent mon enseignement s’empressent de s’éloigner de l’avarice, et ainsi ils ne se disputeront pas avec les gens et ils n’auront plus envie de posséder ce qu’ils voient. C’est ainsi que les disciples sages purifient leur esprit.
伽藍!多聞聖弟子離恚,斷恚,有慚有愧,有慈悲心,饒益一切,乃至蜫虫,彼於嫉恚淨除其心。
Kalamas, les disciples qui écoutent mon enseignement s’empressent de s’éloigner de la colère. Quand ils s’éloignent de la colère ils commencent à avoir honte et ils éprouvent de la compassion envers tous les êtres. Même pour le plus petit insecte ils éprouveront de la compassion. C’est ainsi que les disciples sages purifient leur esprit.
伽藍!多聞聖弟子離邪見,斷邪見,行於正見而不顛倒,如是見,如是說,有施有齋,亦有呪說,有善惡業報,有此世彼世,有父有母;世有真人往至善處、善去、善向,此世彼世,自知、自覺、自作證成就遊,彼於邪見淨除其心。
Kalamas, les disciples qui écoutent mon enseignement s’empressent de s’éloigner de la vision erronée, et quoi qu’ils fassent ils sont toujours sur le chemin juste et ils ne seront plus jamais sur le mauvais chemin. Ce qu’ils disent possède du sens et ils peuvent le prouver. Ils pratiquent la générosité et ils affirment aux gens qu’il existe des chemins inferieurs. Ils affirment encore que la loi du karma existe, que le passé et le futur existent aussi et qu’il existe une cause à toute chose. Ils affirment que des sages peuvent nous guider vers le chemin supérieur et dans la pratique d’une vie à une autre. Ils connaissent et ils sont conscients du niveau de leur propre pratique. C’est ainsi que les disciples sages purifient leur esprit.
「如是,伽藍!多聞聖弟子成就身淨業,成就口、意淨業,離恚離諍,除去睡眠,無調貢高,斷疑、度慢,正念正智,無有愚癡,彼心與慈俱,遍滿一方成就遊。如是,二三四方、四維上下,普周一切,心與慈俱,無結無怨,無恚無諍,極廣甚大,無量善修,遍滿一切世間成就遊。如是,悲、喜心與捨俱,無結無怨,無恚無諍,極廣甚大,無量善修,遍滿一切世間成就遊。
C’est ainsi, Kalamas, que les disciples sages réussissent à purifier leur comportement, leur parole et leur pensée. Ils s’éloignent de la colère, des disputes, de la paresse et de l’orgueil. Ils mettent fin au doute et ils maîtrisent mieux leur ego. Ils ont la connaissance juste et une pensée juste, et ils se libèrent de l’ignorance. Leur cœur est rempli de compassion, et ils ont de la compassion pour tous les êtres. Comme ils ont de la compassion, ils ne s’emportent pas contre les hommes, ils n’ont pas de colère, ni de haine et ils ne se disputent avec personne. Leur esprit est tellement grand qu’ils pratiquent sans cesse la générosité partout où ils se trouvent. De cette manière ils ont de la compassion, ils sont joyeux et ils n’ont pas de colère, ni de haine envers les autres, ils évitent les conflits et sont libres de l’ignorance. Ainsi, ils pratiquent sans cesse la générosité et ils sont capables de se rendre partout.
如是,伽藍!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,便得四安隱住處。云何為四?
C’est ainsi, Kalamas, que les disciples sages qui n’ont pas de colère ou de haine et qui ne créent pas de conflits, peuvent rester tranquilles dans les quatre types de circonstances. Ces quatre types de circonstances, les voici :
有此世彼世,有善惡業報,我得此正見相應業,受持具足,身壞命終,必至善處,乃生天上。如是,伽藍!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,是謂得第一安隱住處。
- Dans cette vie ou dans la prochaine vie j’ai des graines karmiques qui donneront de bons ou de mauvais fruits. Mais, si ma vision est juste et que je maintienne les préceptes, après ma mort je pourrai monter dans le paradis céleste ou aller dans un lieu comme une terre de Bouddha. C’est ainsi, Kalamas, que les disciples qui pratiquent de façon juste n’ont pas de colère ou de haine envers les autres et ne créent pas de conflits et que, pour cette raison, ils ne sèmeront pas du mauvais karma. C’est la première façon de rester tranquille.
復次,伽藍!無此世彼世,無善惡業報,如是我於現法中,非以此故為他所毀,但為正智所稱譽,精進人、正見人說其有。如是,伽藍!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,是謂得第二安隱住處。
- Kalamas, si dans cette vie ou dans la prochaine vie je ne dois recevoir ni de bons, ni de mauvais fruits karmiques parce que je n’en ai pas semé, mais que pourtant dans cette vie quelqu’un m’a diffamé et que, malgré tout, avec ma vision juste et avec ma sagesse juste je persévère dans la pratique, alors tout le monde aura une bonne opinion de moi. Kalamas, c’est ainsi que les pratiquants qui ont la vision juste et qui n’ont pas de colère ou de haine envers les autres et ne créent pas de conflits, ne vont pas recevoir de mauvais fruits karmiques plus tard, et c’est donc la deuxième façon de s’assurer qu’on puisse rester tranquilles.
復次,伽藍!若有所作,必不作惡,我不念惡。所以者何?自不作惡,苦何由生?如是,伽藍!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,是謂得第三安隱住處。
- Kalamas, écoutez-moi bien encore une fois : quoique vous fassiez il ne faut pas commettre de mauvaises actions. Ceci signifie qu’il ne faut pas avoir de mauvaises pensées. Celui qui n’agit pas mal n’a pas de souffrance. Ecoutez-moi encore, Kalamas, les disciples qui n’ont pas de colère ou de haine envers les autres et ne créent pas de conflits, puisqu’ils n’ont pas de mauvaises pensées, cela leur assure d’avoir le troisième type de tranquillité.
復次,伽藍!若有所作,必不作惡,我不犯世怖與不怖,常當慈愍一切世間,我心不與眾生共諍,無濁歡悅。如是,伽藍!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,是謂得第四安隱住處。
- Encore une fois, Kalamas, quoique vous fassiez, il ne faut pas agir mal. C’est pour cela que vous n’aurez pas peur des gens et d’être dans le monde. Ayez de la compassion envers tous les êtres. Si vous avez cette compassion vous ne vous disputerez pas avec les êtres sensibles. Alors votre esprit sera tranquille et joyeux. C’est ainsi, Kalamas, que les disciples saints qui ont la vision juste et qui n’ont jamais commis de mauvaises actions et n’ont pas de colère ou de haine envers les autres et ne créent pas de conflits, resteront toujours tranquilles, et cela est le quatrième type de tranquillité.
如是,伽藍!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,是謂得四安隱住處。
Kalamas, vous pouvez observer qu’il suffit de ne pas avoir de colère ou de haine envers les autres et de ne pas créer des conflits pour atteindre les quatre types de tranquillité : vous resterez tranquilles dans ces quatre contextes différents. »
伽藍白世尊曰:「如是,瞿曇!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,得四安隱住處。云何為四?
Un des Kalamas répondit au Bouddha : « C’est bien comme cela, Ô vénérable Gautama, que les disciples sages qui n’ont pas de colère ou de haine et qui ne créent pas de conflits, peuvent rester tranquilles dans ces quatre types de circonstances :
有此世彼世,有善惡業報,我得此正見相應業,受持具足,身壞命終,必至善處,乃至天上。如是,瞿曇!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,是謂得第一安隱住處。
- Dans cette vie ou dans la prochaine vie j’ai des graines karmiques qui donneront de bons ou de mauvais fruits. Mais, si ma vision est juste et que je maintienne les préceptes, après ma mort je pourrai monter dans le paradis céleste ou aller dans un lieu comme une terre de Bouddha. Ô vénérable Gautama, c’est ainsi que les disciples qui pratiquent de façon juste n’ont pas de colère ou de haine envers les autres et ne créent pas de conflits et que, pour cette raison, ils ne sèmeront pas du mauvais karma. C’est la première façon de rester tranquille.
復次,瞿曇!若無此世彼世,無善惡業報,我於現法中,非以此故為他所毀,但為正智所稱譽,精進人、正見人說其有。如是,瞿曇!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,是謂得第二安隱住處。
- C’est bien comme cela, Ô vénérable Gautama ! Si dans cette vie ou dans la prochaine vie je ne dois recevoir ni de bons, ni de mauvais fruits karmiques parce que je n’en ai pas semé, mais que pourtant dans cette vie quelqu’un m’a diffamé et que, malgré tout, avec ma vision juste et avec ma sagesse juste je persévère dans la pratique, alors tout le monde aura une bonne opinion de moi. Ô vénérable Gautama ! C’est ainsi que les pratiquants qui ont la vision juste et qui n’ont pas de colère ou de haine envers les autres et ne créent pas de conflits, ne vont pas recevoir de mauvais fruits karmiques plus tard, et c’est donc la deuxième façon de s’assurer qu’on puisse rester tranquilles.
復次,瞿曇!若有所作,必不作惡,我不念惡。所以者何?自不作惡,苦何由生?如是,瞿曇!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,是謂得第三安隱住處。
- C’est bien comme cela, Ô vénérable Gautama ! Quoique nous fassions il ne faut pas commettre de mauvaises actions. Ceci signifie qu’il ne faut pas avoir de mauvaises pensées. Ô vénérable Gautama ! Celui qui n’agit pas mal n’a pas de souffrance. Les disciples qui n’ont pas de colère ou de haine envers les autres et ne créent pas de conflits, puisqu’ils n’ont pas de mauvaises pensées, cela leur assure d’avoir le troisième type de tranquillité.
復次,瞿曇!若有所作,必不作惡,我不犯世怖與不怖,常當慈愍一切世間,我心不與眾生共諍,無濁歡悅。如是,瞿曇!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,是謂得第四安隱住處。
- C’est bien comme cela, Ô vénérable Gautama ! Encore une fois, quoique nous fassions, il ne faut pas agir mal. C’est pour cela que nous n’aurons pas peur des gens et d’être dans le monde. Ayons de la compassion envers tous les êtres. Si nous avons cette compassion nous ne nous disputerons pas avec les êtres sensibles. Alors notre esprit sera tranquille et joyeux. Ô vénérable Gautama ! C’est ainsi que les disciples saints qui ont la vision juste et qui n’ont jamais commis de mauvaises actions et n’ont pas de colère ou de haine envers les autres et ne créent pas de conflits, resteront toujours tranquilles, et cela est le quatrième type de tranquillité.
如是,瞿曇!多聞聖弟子心無結無怨,無恚無諍,是謂得四安隱住處。
C’est bien comme cela, Ô vénérable Gautama ! Nous pouvons observer qu’il suffit de ne pas avoir de colère ou de haine envers les autres et de ne pas créer des conflits pour atteindre les quatre types de tranquillité : nous resterons tranquilles dans ces quatre contextes différents. »
瞿曇!我已知,善逝,我已解。世尊!我等盡自歸佛、法及比丘眾,唯願世尊受我等為優婆塞,從今日始,終身自歸,乃至命盡。」
Le Kalama ajouta : « Ô vénérable Gautama ! Maintenant nous avons parfaitement compris et analysé vos paroles. Vénérable maître, à partir de maintenant, nous, les Kalamas, prenons refuge dans le Bouddha, le Dharma et le Sangha. Nous demandons au Bouddha qu’il nous prenne en tant que disciples jusqu’à la fin de notre vie. » Et c’est ainsi que tous les Kalamas devinrent upasaka.
佛說如是。一切伽藍人及諸比丘,聞佛所說,歡喜奉行。
Tous les Kalamas et tous les moines qui étaient assis autour furent pleins de joie d’avoir entendu la parole du Bouddha, et ils promirent de la mettre en pratique.